Il était
une fois la Princesse Framboisine, qui vivait dans un royaume au bord de l’eau,
où la végétation et les fleurs poussaient à une vitesse extrêmement lente. Un
royaume où tous les fruits et les plantes ne mûrissaient jamais, où les
habitants avançaient à pas d’escargot. Un royaume figé dans un temps qui
passait à la lenteur d’une feuille qui tombe du haut d’une falaise. Au grand
damne de la Princesse Framboisine qui se régalait de tous les bonbons et les
mets sucrés et qui mangeait avec tristesse tous ses fruits et légumes verts,
durs et sans saveur. Un jour de grande mollesse, le gardien du royaume se
dirigea dans une torpeur empreinte d’une légère mais très légère précipitation
vers le Palais du Roi, annoncer la terrible nouvelle :
« La montée des eaux, Sir ! La montée
des eaux, Sir ! »
Son vocabulaire était limité car il
prononçait nonchalamment, cela prenait déjà tellement de temps ! L’annonce de
la catastrophe naturelle qui tombait sur le royaume alerta toute la famille
royale, qui se réveilla d’un coup de sa torpeur et mit tous les habitants du
village dans un omnibus.
Princesse Framboisine à la tête du bus
regardait le ciel se couvrir, un orage menaçait de surcroît le royaume, les
premiers éclairs tonnèrent dans le ciel et une pluie diluvienne se mit à fendre
l’horizon. Le bus surfait sur les flaques d’eau et se jeta dans la forêt
voisine, il dérapa sur une coulée de boue et se figea net. Tous les habitants
du royaume retrouvèrent leur sérénité à l’arrêt du bus car l’absence de
mouvement et le calme les rassuraient. Mais Framboisine avait faim et ne
voulait pas rester figée dans le bus immobile. Elle usa de son pouvoir de
transparence pour appuyer sur le bouton de la porte et sortir incognito.
Quand la porte du bus s’ouvrit, il y
eut un grand cri :
«Un fantôme !» ; «Nous sommes dans la
forêt hantée!» « Chauffeur ! Chauffeur ! Fermer la porte et faites sortir le
fantôme!».
Ce que les habitants ne savaient pas,
c’est que Framboisine était encore dehors à sucer les pommes de pins et à
casser les noisettes aux arbres. Elle fut enfermée dehors dans la forêt hantée
et ne pouvait plus rentrer dans le bus. Quand elle s’en aperçut, elle se mit à
pleurer et s’assit par terre contre le grand Chêne.
« - Et, toi petite ! Tu ne vois pas que
tu écrases mes joyaux !?» Framboisine prit peur et se redressa au son de la
voix du grand chêne. « - Je ne savais pas que vous étiez là ! »
Elle recula et plaqua ses mains contre
un cyprès :
« - Et toi petite ! Ne me presse pas de
si près ! » Framboisine en s’écartant trébucha contre une pierre :
«-Ouille, Ouille, Ouille ! Qui m’a
donné un grand coup de pied dans les c.., heu dans le derrière ?»
Framboisine ne bougea plus du tout de
peur d’importuner la forêt hantée. Une voix minuscule lui chatouilla
l’oreille :
« - Framboisine, n’aie pas peur ! »
Elle tourna la tête et regarde avec ses yeux de loupe la petite araignée qui
pendait à côté d’elle : « - Mamaaaaaaaaaan ! »
« - Framboisine, ne crie pas, il ne
faut pas avoir peur. Je vais t’aider à sortir de la forêt. » dit l’araignée.
Elle lui tissa une passerelle en toile
d’araignée pour qu’elle ne touche pas les végétations de la forêt. Arrivée de l’autre
côté, elle tomba sur une chaumière qui sentait bon le chocolat et la brioche
sucrée. Elle descendit de sa toile d’araignée qui s’arrêtait juste au pied de
la maison.
Toc toc toc ! La porte s’ouvrit sur un
chef cuisinier avec une toque immense qui touchait le plafond.
« - Aide mon royaume, Grand
Magicien ! Il va être détruit par la montée des eaux ! »
« - Comment ça ! Le village de santons
est habité ? Je pensais que personne n’y vivait car rien ne bouge là-bas !
»
Framboisine se goinfrait des
délicieuses brioches et tournebroches, étalée sur le buffet, pendant que le
grand chef cuisinier lui racontait son histoire :
« - Je manquais de fruits et légumes et
ceux du village et des alentours poussent si lentement que j’ai invoqué les
Dieux pour créer le déluge et nourrir cette terre, pour la rendre fertile et
accélérer la croissance des végétaux. » Framboisine recracha un grand bout
de framboisier :
« - Ce n’est pas possible ! Faites
quelque chose pour arrêter tout ça ! »
« - Tu es sûre de toi petite ? Tout va
changer ici. »
Framboisine balaya du regard le buffet et tous
les stocks de nourriture, elle hésita longuement puis affirma déterminée :
« Oui j’en suis sûre. »
Le grand chef se remit à sa marmite et
touya la soupe dans l’autre sens, à force de touiller, les gâteaux, les gratins
et les brochettes se réduisirent en fumée. Framboisine essaya d’attraper un
dernier fruit confit mais il disparut dans sa main. Framboisine pleurait toutes
les larmes de son corps. Elle venait de sacrifier sa gourmandise pour sauver
son royaume.
Elle vécut
le reste de sa vie - qui fut très très longue – figée, à croquer dans les
fraises vertes comme dans des pommes, mais entourée de ceux qu’elle aime.
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