Un soleil de
plomb dépose sa chape sur les épaules d’Édouard - l’Ecrevisse, de son petit
nom.
Viviane, la Blanche,
est dans l’eau. Son chapeau de paille à larges bords formant son bouclier anti
UV.
- Vas-tu
sortir de l’eau !
Édouard dore sa pilule rose au soleil. Adepte du farniente, il embaume
la plage de son fumet au monoï. Voir Viviane dans l’eau l’exaspère. Elle trouve
toujours un moyen d’échapper au bronze doré, malgré les astuces d’Édouard qui,
cette fois-ci, lui avait découpé dans la longueur les pans de son parasol dans
l’espoir d’avoir à minima une femme zèbre. Viviane sent sa peau se ramollir,
ses doigts, des coussinets ridés et blanchâtres tourner au violet. Elle
scrute la plage avec dépit, pas une langue d’ombre, pas même des silhouettes
sur le sable, le soleil au Zenith.
L’eau à 25° ne permet pas de tempérer le corps de Viviane la Blanche,
qui se refroidit. Battement des ailes, battement des cuisses, claquement des
dents, lèvres bleuies, mandibules qui se paralysent. Le bain devient
insupportable. Seule la haine contre Édouard se fortifie et émet un léger
rayonnement dans le creux de son plexus solaire, léger mais suffisant pour
lancer des éclairs à rayons laser à rays rouges qui tranchent avec le bleu de
ses yeux. Viviane déplace des hectolitres à mesure que son corps fend la grande
bleue. Les épaules sortent de l’eau, le poitrail tout riquiqui, pointant
fièrement vers l’avant, comme bravant l’affront du soleil, les fesses chair de
poule et enfin les pieds palmés laissant glisser les dernières gouttes d’eau
salée. Elle vient allonger mollement une droite dans la tête écrevisse d’Edouard
qui lui tendait les bras, ouvrant ainsi tout l’espace nécessaire à la rage de
Viviane frigorifiée. Édouard ploie sous le corps gelé de Viviane qui profite de
son étourdissement pour le maintenir au sol. Édouard convulse et fait des
bulles, il est atteint d’une apoplexie fulgurante. Le maître-nageur se
précipite le mettre à l’abri dans le petit port attenant.
Les cales des bateaux
gonflent leur ventre rond, boudinant, ondulant sa peau d’orange. Les encres
frappent le sol de leurs griffes d’acier, les voiles sifflent leurs mélodies
tuent-têtes. Les filets de pêcheurs bavent des bulles à poissons, crachats
d’algues, morves de méduse, piquants d’arrêtes. « Arrête ! », « Arrête ! »,
Édouard scande « Arrête !», décampant à la force à peine retrouvée de ses
nageoires pataudes, de son aileron mollesse, de ses turbines à coups péteux :
une pétarade qui lui fait prend son envol. Une écrevisse qui voltige dans le
ciel pour s’écraser le cul explosé sur le coin de serviette, où s’est réfugiée
Viviane, qui sort sa gueule ouverte sur sept rangées de dents, ses petits yeux
bleus transformés en billes noires, un voile les recouvrant. Signe d’une
extrême colère. Édouard se méfie. Il l’immobilise par une prise judoka et tente
d’apprivoiser le mammifère, à coup de petits jets de monoï. Viviane semble se
radoucir, sa peau blanche agressée par le sel et l’eau est attendrie par l’huile
lascive. Elle reprend forme humaine, se délecte de la souplesse de l’huile sur
son corps. Elle couine de plaisir et caquetant comme un canard, ne s’aperçoit
pas que sa peau devient orange sous le soleil. Édouard en perd la tête et
s’extasie devant son canard à l’orange.
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