Le
professeur posa doucement sa sacoche sur la table, essuya la chaise d'un coup
de main. Le loubard de l'autre côté de la table, finissait de mâcher son
chewing-gum.
Le
professeur sortit ses fiches et observa du coin de l’œil son élève.
Lui, l’élève
le fixait du regard.
"Bonjour"
dit le professeur, "mouais" renvoya le loubard.
Le
professeur raidi, le loubard affalé , chacun de son coté de la table : l'examen
pouvait commencer.
Le
professeur pour démarrer posa devant lui une feuille avec ses questions
numérotées de 1 à 10. Elles étaient organisées par ordre de difficulté.
On avait 45
mn.
Mais le
loubard, comme pour suivre le mouvement, sortit son téléphone portable. Et dans
le silence de ce duo, l'unique vibration d'un texto rythma ce moment.
Ses doigts
se mirent à gigoter sur l'écran et le temps passait.
Le
professeur finit par émettre un "hum hum". La réaction fut immédiate
: un bip de réponse réveilla les doigts qui reprirent de plus belle.
Le prof se
mit à transpirer, la gorge sèche, il tira sa feuille à lui, il tira ses années
d’expérience à lui, il ne voulait plus être ici.
Il ferma les
yeux et une nouvelle vibration du téléphone finit par le mettre KO.
Il était là
sur sa chaise mais les murs s'éloignaient, la tête en face, penchée sur son
mobile grossissait : c’était l'horreur !
C'est alors,
qu'il entendit les voies, les chants, qu'il vit les lumières : ambiance
monastère.
L'homme qui
était assis sous les vitraux se rapprocha, sa longue soutane blanche
éblouissait et il ne pouvait en détourner son regard.
D'abord,
l'homme lui posa la main sur l'épaule et le temps resta suspendu.
Puis l'homme
disparu, les murs du monastère aussi.
Le
professeur ouvrit les yeux et retrouva en face le loubard qui le regardait
perplexe.
Combien de
temps cela avait-il duré ?
Et le regard
d'en face avait-il changé : plus faible et moins dur peut-être ?
Maintenant,
le professeur dans son dos sentit un fusil en bandoulière lui cisailler le
dos et avec la gibecière et les bottes, il ressemblait à son père le dimanche
matin.
Il entendit
le chien aboyer, s’énerver : c'était l'heure de la chasse.
La perdrix
en face de lui, posée sur une chaise de l’autre côté de la table, tentait de se
faire discrète, mais à cette distance c’était du cent pour cent :
"in-loupable".
Il savait
que ce soir il ne rentrerait pas bredouille, la famille aurait à manger.
Alors, la
perdrix, d'une façon surprenante, leva un bras. L’élève hésitant finit par dire
"j'abandonne, pour moi, les carottes sont râpées pour cette année !".
Vous voulez
dire "cuites" je suppose dit le professeur.
Mais la
porte avait déjà claqué.
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