Le son de la mer, les vagues,
personne. Je suis seule. Moi, et mes
trois toutous, canidés courant, aboyant, jouant ! Je marche un moment,
puis, au creux d’un rocher face à l’océan, j’installe quelques affaires (tapis,
gamelles, drap pour moi). Les chiens jouent ; moi je me laisse bercer par
ce paysage féérique. Puis, après quelques instants, je fouille négligemment
dans les poches de mon anorak.
Je m’immobilise un instant,
expression de surprise sur le visage : surprise, les yeux écarquillés et les sourcils relevés,
je regarde attentivement un bout de papier rectangulaire que je viens de
trouver dans ma poche. Après quelques secondes d’immobilité, le sang et les
émotions semblent revenir sur mon visage.
Vous, la
promeneuse de chiens sur la ligne 14, dont une des bêtes à poils a cruellement
mordu mon escarpin rouge, le prenant pour un jouet à toutous sans doute… Vos
excuses bafouillantes et, dans vos yeux, la peur que j’intente une action
contre vous. « 1er job, 1er jour, quelle
poisse ! » et moi qui réponds « Poisse ? Et si c’était une
chance plutôt ...? » Bouleversée par le mini drame, vous n’avez pas
compris et vous avez quitté précipitamment la rame, tirant derrière vous trois
canidés (neuf en réalité !), surexcités et aboyants.
A la fin de cette petite lecture,
je souris, libre et épanouie ; mon regard se tourne à nouveau vers mes
chiens éparpillés sur la plage, surexcités, joueurs et aboyants... Puis, je
regarde au loin, à nouveau immobile, mais cette fois avec quelque chose de
plus, amusée et fugace, une étincelle au fond de mes yeux/dans le cœur...
Au cœur de ce paysage sauvage, je
reste là, rêveuse, immobile, (…) Le
fracas des vagues et les aboiements de mes chiens me ramènent ici après ce
court, mais magique et lointain voyage. Je jette ma veste sur la plage.
J’appelle mes chiens, joues avec eux, haletants et joyeux. La température s’est
réchauffée pendant cet intervalle de temps, il fait chaud maintenant, très
chaud, au moins 35° je dirais… Une petite pluie presque chaude me tombe sur les
épaules. Je fronce les sourcils, gênée par cette brulante humidité à laquelle
je ne m’attendais pas. L’air gentiment mécontent, je ramasse mes affaires,
celles de mes chiens, les rappelle, et fais chemin inverse...
En bout de plage, une butte
gravie m’avait permise d’accéder jusqu’ici.
Appelant régulièrement mes chiens, je la remonte précipitamment afin de
ne pas subir trop/plus longtemps cette pluie presque brûlante. « Allios,
Ran, Dooggy ! » Mes
chiens arrivent tout en zigzagant et moi, arrivée en haut de cette butte, sur
ce petit coin de terre séparant cette plage isolée du reste de l’île, je me
fige à nouveau, choquée ! Une ancienne inconnue, désormais devenue intime
pour moi depuis ma lecture sur la plage, cette inconnue donc se trouve là,
juste en face de moi. Elle me sourit, radieuse. Battements de cœur qui
s’accélèrent et tapent fort dans ma poitrine ; j’ai chaud, je rougis et me
sens vraiment perdue dans ce moment incongru !
J’inspire avec difficultés,
regarde cette femme dans les yeux, lui souris, gênée, surprise et heureuse de
cette improbable rencontre.
« Est-ce un rêve… ?! »
« Allios, Ran, Doogy, venez
ici ! Ne vous inquiétez pas, ils ne sont pas méchants …» La
femme continue de me sourire, je la regarde, puis baisse un peu les yeux tout
en rougissant. « Nous nous sommes déjà rencontrées, sur la ligne 14, il y
a longtemps … Vous portiez des escarpins rouges… »
-
« Oui », reprend la femme en face de
moi, plus resplendissante que jamais, « je m’en souviens… Comment aurai-je
pu oublier… ?! »
-
« Heu, et bien…, excusez-moi encore de
l’incident ! »
-
« Hahaaa, vous êtes déjà pardonnée !
Maria, et vous ? Vous voyagez seule dans ces contrées
isolées ? »
-
«Kézia, enchantée ! Oui, je voyage
avec mes chiens, et la nature !!! Et vous… ?»
-
« Ravie aussi ! Oui, moi aussi ! Je
voyageais seule jusqu’à il y a quelques instants ! Mais sans
chiens !»
Sourires, regards incandescents et radieux
partagés entre ces belles inconnues.
-
« Je viens de vous lire, et vous apparaissez…! Si j’y croyais, je
dirais que c’est un drôle de hasard, une coïncidence, mais là… la beauté et la
magie de la vie sont si flagrantes que je ne dirais qu’une chose : il faut
aller fêter ça ! »
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