C'est un homme,
cheveux grisonnant, barbe de quelques jours. Il porte un imperméable noir. Il
est sur la jetée du port et regarde de loin vers le large. Les vagues qui
s'entrechoquent, l'éclaboussent et le recouvrent d'une fine perle d'eau. Ça le
rafraîchit. Il ne bouge pas et regarde de loin au large. Il est grand et
élancé. Il dégage une tranquillité, un calme, en symbiose avec l'étendue de la
mer en face de lui. Personne autour de lui et moi qui le regarde. J'ai envie
qu'il se retourne. J'ai envie d'être celle qui brisera le temps d'un instant,
juste le temps qu'il puisse m'emmener avec lui faire ce grand voyage. J'ai
envie de rentrer dans ce tableau. Qu'il me prenne la main. Nostalgie. Il met ses
mains dans les poches. Il sort de sa poche gauche un morceau de papier. "J'ai
réussi". Il arrête de contempler le large et pose ses yeux sur quelques mots
griffonnés sur ce papier. Il se met à bouger, retourne le papier plusieurs fois.
Il regarde à droite à gauche. "Je suis derrière toi". La pénombre finit par
s'installer, il se retourne. Il arrive vers moi d'un pas rapide. Mon cœur
s'emballe. "Je fais quoi". Un banc. Je m'y assis. Il s'approche du
lampadaire. Il s'arrête et, de nouveau, relit le message éclairé maintenant par
une lumière artificielle.
" Vous
de profil. Comment vos cheveux grisonnants, votre barbe de quelques jours,
votre bouche ! Oui votre bouche, m'ont fait frissonner.
Avez-vous
senti mon inspiration profonde ?
Votre regard
s'est aussitôt plongé dans le mien ! Votre sourcil froncé semblait me dire que
vous me connaissiez. Oui, c'est moi, c'est bien moi. Nous avons quelque chose à
vivre. Je serai là tous les vendredis à 18h00. Quelque chose me dit que vous y
serez-vous aussi. J'ai hâte ! »
Il ne me
remarque pas, ne me regarde pas. Je suis comme paralysée. Je sens le rouge me
monter au visage. Ce rapprochement inopiné électrise l’atmosphère. Je suis
rentrée dans sa bulle, il ne me remarque pas. Obnubilé par ce morceau de papier. « Mais,
c’est moi, qui l’ai écrit ». La lumière maintenant nous encercle tous les
deux, que tous les deux. Puis tout à coup, il lève la tête et nos yeux se
rencontrent de nouveau. Il regarde ce morceau de papier et replonge dans mon
regard. Il ne s’agite plus. Il vient vers moi. Il s’approche du banc et ne me
lâche pas du regard. Il s’arrête. Cinquante centimètres nous séparent. Debout,
comme une éternité, il me regarde la tête penchée en avant. Je lis en lui :
surprise, joie, excitation. Puis, il s’assoit près de moi. Dix centimètres nous
séparent. Il me dit « bonjour ». Comme s’il me connaissait déjà. Je
lui réponds tremblotante « bonsoir ». Je suis gênée. « A-t-il
compris ? ». Il me sourit, d’un sourire apaisé. De légères rides
apparaissent au coin de ses yeux. « Charmant ».
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