samedi 23 novembre 2019

Mon passager


C’était le 14 novembre ou plutôt le 15, entre 1h30 et 2h.
Nous étions au fond d’un wagon, sur la ligne 9, joyeux comme tout ceux qui rentrent à cette heure.
Le visage collé contre la vitre que ton souffle embuait, tu regardais défiler 'Zi'zkov, son béton et ses faubourgs.

Je t’ai observé tandis que tu ne m’as pas vue. Une atmosphère de gaieté régnait dans ce wagon, à cause de l’horaire de la journée pour rentrer chez soi, après une journée de travail. Tu regardais au-dehors, à travers la vitre, très absorbé par le paysage qui défilait. Je ne saurais dire si tu étais joyeux, toi aussi, si tu faisais preuve d’une certaine présence, toi aussi, dans ce train de banlieue qui nous ramenait tous à la maison. Peut-être était-ce moi qui étais joyeuse et peut-être que je ne captais que la joie chez les autres passagers. Je t’observais un long moment car tu attiras mon regard, dans la joie et la bonne humeur. Peut-être parce que tu regardais dehors, justement !
Soudain, une pluie battante s’abattit sur ce train, et tout autour des lignes de pluies se formèrent sur les vitres qui te servaient de panorama. Tu fouillas instinctivement dans ton sac à dos pour vérifier si tu avais un parapluie, sans doute que ta gare de destination approchait. C’était également mon cas : ma garde destination était la suivante et je commençais à me demander si je pourrais t’inviter sous mon parapluie. Je souhaitais vivement et le redoutais à la fois, comme si j’allais essuyer un refus distant voire condescendant. Nous descendîmes à la même gare et la pluie continuait à tomber de plus belle. Comme il faisait chaud, on se serait cru sous une pluie tropicale venue d’Afrique. C’était plutôt exceptionnel, voire surréaliste à cette saison et sous cette latitude. Les passagers qui descendirent dans cette gare furent surpris par la violence du climat et des parapluies volaient dans tous les sens sitôt ouverts. Mon passager attrapa le mien au vol et voulut me le restituer sous sa forme originale mais il n’y parvint pas. Sous la pluie, il essayait de le remettre à l’endroit, pour qu’il serve à quelque chose au moins mais sans succès. Je le remerciais pour tous ses efforts et sa gentillesse moyennement récompensée : il avait quand même rattrapé mon parapluie emporté par le vent. Je lui fais un grand sourire qu’il me rendit et ce fut très agréable.

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