Je vois une rose rouge pourprée
rabougrie. Ses pétales sont flétris et leur couleur a sûrement connu des jours
meilleurs. L’intensité s’est perdue mais la rouge teinte n’a pas encore
disparu.
Sa tige est dépourvue d’épines.
La rose, larmoyante, n’attaque
plus, ne pique plus.
Trois fines branches, au bas de
la tige, se détachent du tronc qui les a vues naître.
Moins endormies que les pétales à
l’agonie, elles demeurent pourtant endolories.
Les feuilles ont des tâches.
Au sein de l’une d’entre elles
s’est formé un nuage filandreux.
Une majesté passée.
Cette rose fut belle, entourée et
riante.
Cette rose est frêle, empêtrée et
criante.
Une reine devenue peine.
Le temps passe et frappe.
L’éclair foudroyant du sablier
qui lentement s’écoule l’a menée à sa propre solitude.
Condamnant Narcisse au trépas de
sa grandeur, les aiguilles assassines l’ont conduit vers les abysses de sa
laideur.
Une femme dont la courbe fut
ondulée et la démarche indolente.
Le miroir lui renvoyait une
silhouette parfaite sans faille ni défaut.
Elle se disait irrésistible aux
gens et au temps.
L’épée de Damoclès est tombée.
Le gong a sonné.
Les compliments révolus, le corps
de la femme s’est tu.
De faibles épines sont apparues.
On dirait les poils naissants de
la barbe d’un pré pubère.
Le cœur des pétales endormis en
laisse percevoir la naissance jaunie.
Quatre très courtes ramifications
végétales ont éclos sur le tronçon de tige qui sépare les trois fines et
longilignes branches de la partie à risques où se sont implantées les esquisses
de pic.
L’autre côté est aplati.
La fleur trop longtemps du même
côté est restée assoupie.
Il y a des tâches noires aussi
sur les pétales.
Dispersées, elles cohabitent avec
de la moisissure marronnée.
La rose a été arrachée.
Son pied a été disloquée,
saccagée.
A la fois enfermée dans le regard
de l’autre, je suis libre de lui montrer pas à pas la diversité de ma
personnalité.
Les passerelles et le temps
diluent les gens.
Des échanges et des reprises
rendent impossibles le cantonnement au seul premier jugement.
Je ne m’imaginais pas tomber
amoureuse de cet homme qui m’était au départ si banal et normal.
On apprend à connaître, par
soi-même et par l’intermédiaire de la mémoire des autres.
Je me sens revenir à des
considérations réflexives et ne parviens à faire l’effort d’entrer à nouveau
dans l’univers pur et poétique des mots désintéressés.
Ma vie me revient, mes légers
soucis et tracas du quotidien.
Je n’ai pas respecté la
précédente étape.
Je n’ai pas transformé ma rose.
Rose elle est restée, de laide
devenue belle.
Sa beauté ne s’est pas évaporée,
non point inchangée, seulement modifiée.
Différent il est possible de
l’être, dans le temps, dans l’espace, avec les gens.
Apparence et intériorité se
confondent dans un discours qui rappelle que cette dissociation ne fait sens.
Je suis ce que je dégage et ce
que je renvoie participe à la formation incessante et ô combien infinie de mon
être.
Je ne sais plus quel terme
employer dans ce fouillis de mots qui mêlent maladroitement intériorité,
fatalité, psyché et esthétique.
Mon esprit se perd dans un dédale
capharnaümique de considérations éperdues.
On aime plaire. Est-ce un
mal ?
Passer du temps à se coiffer,
est-ce superficiel ?
On consacre du temps à se
préparer, sacrifie-t-on son corps sur l’autel de l’artificialité ?
Je m’épile, suis-je
antiféministe ?
Je m’adapte aux situations et
parfois ris par politesse, suis-je hypocrite ?
Jusqu’où s’entremêlent aspect et
pensées ?
Jusqu’où puis-je maîtriser mon
image avant d’en être complétement dépossédée ?
Le regard de l’autre me tient-il
avec la même fermeté que la main du cocher son harnais ?
Pourtant le regard de l’autre
peut être bénéfique, salvateur et prolifique.
Il peut mener vers des sentiers
inconnus et nous faire découvrir des images restées tues.
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