Les mille et une nuits sont à l'honneur aujourd’hui. Je me sens belle ce matin, le soleil me réchauffe sur ce bord de Seine où les passants ne sont pas pressés. Chaque étal de bouquiniste est prétexte à la flânerie, l'exploration, la rêverie. Parée d'une nouvelle robe verte et liserés dorés, taille suffisamment étroite pour être bien prise en main, j'attire le regard.
La
paume de la main effleure la douceur du tissage, de longs doigts fins
s'approchent et caressent les incrustations, me feuillètent avec attention et
insistance. Les pages chuchotent et sans attendre me voilà dans sa poche.
La
démarche est légère, assurée, dansante. Je me sens bercée au chaud mais si vite
oubliée. Jetée sur l'étagère de l'entrée je commence à regretter l'étal du
bouquiniste, les courants d'air, les manipulations intrusives mais
indispensables de mon dernier relieur et de sa presse qui m'ont rendu une
deuxième jeunesse. Jeune homme ingrat, sachez que si « les milles et une
nuits » est mon titre, mon édition est avant tout la promesse de plus de
milles souvenirs.
CLAP.
Le couvercle se referme. Je suis un peu à l'étroit dans ce sac et j'ai la
nausée dans cette voiture qui m'agresse de ses vibrations. J'aurais pu être en
plus mauvaise compagnie ; Je suis assise sur un petit bouquin rouge et
confortable. Pas de quoi tenir éveillée toute une nuit mais son titre me ravit
« un été avec Beaudelaire » Tout un programme ! Je m'en détourne
sans regret lorsque je réalise que je suis coiffée d'un « au bonheur des
dames » du plus bel effet. Je fais la fière avec mon ZOLA, même si …. l'idylle
est inutile. Moi avec mes textes composites je n'ai aucune chance avec ce
descripteur, ce scrutateur pointilleux et réaliste.
Le
voyage n'en finit pas de me secouer, je peux à peine m'étirer, tenter de faire
l'intéressante pour que l'Emile me remarque, jusqu'à ce que le sac échoue
violement sur le bas de l'escalier. Résultat ! L’Emile me tourne le dos et
je me ferme comme une huitre.
La
chute est brutale mais la consolation est surprenante. Le jeune homme aux
longues jambes et aux doigts si fins nous a choisi pour embellir son temps de
repos dans cette modeste maison de vacances en bord de plage, l'Emile et
l'huitre sous le bras.
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