dimanche 1 mars 2020

Lettre d'Amour


La vie a ses écueils, qu’il s’agit d’affronter. Las, dans mon fauteuil à bascule, je me laisse bercer dans la torpeur du soir. Un soir, où tu m’offres ton cœur chaud, qui scintille dans son coucher sur la plaine. Je t’aime. Tu me ravies de ces tendres tableaux simples et somptueux à la fois. Tu m’as ravi mon être tout entier. Partout je te vois, je sens présence. Tu es constamment blotti dans mon ventre, présent à tous mes regards et même si je ferme les yeux, c’est toi encore que je vois, que je sens, qui m’envahit et m’enveloppe de ta chaleur. Inépuisable source d’amour, je te cherche dans toutes choses du quotidien. Tu es là, bien là avec moi, dans une présence permanente et éternelle. L’éternel bonheur de te savoir près de moi. J’ai la gorge qui se serre quand mes élans me reprennent et que je veux te toucher, t’embrasser, t’enlacer, te serrer le plus fort qu’il m’est possible, d’imprégner tout mon être, de m’imprégner de toi, dans une main que je serre, une épaule qui m’accueille. Ta présence physique est une cruelle demande de tout mon être, je souffre et lutte contre ces pulsions de caresses, qui ne sont pas réalisables. Impalpable être cher, pour lequel mon amour est sans borne. Je te parle de mon cœur et mon corps te réclame. Je dois me reprendre et accepter la force de ton amour dans une sphère supérieure, abandonner le physique, chercher l’amour spirituel, me gorger de tes tendres caresses, ton doux soutien, de la suave liqueur qui coule dans mes veines. Comme je t’aime, je t’aime, je t’aime. Reste avec moi, ne quitte pas ce lien indéfectible qui me maintient en vie. 
Voilà l’horizon qui rosit, le bleu du ciel qui noircit, la rosée qui se pose sur les planches de ma terrasse. Une boule de paille passe. C’est le signe que je dois aller me coucher et rêver de toi. Je t’attends dans mon rêve.

Monsieur Castagnier


Cher Monsieur Castagnier,
C’est avec beaucoup de peine que j'ai appris votre incarcération suite à votre procès perdu en appel à la cour d'Aix-en-Provence. Je ne citerai pas ici les accusations infâmes dont vous faîtes l'objet. J'ai suivi assidûment, avec passion et horreur, le déroulement de votre procès. Le fait que vous ayez assuré vous-même votre défense ne vous a rendu que plus héroïque. Il est évident que les jurés étaient aveugles, insensibles et corrompus pour condamner un homme d'une aussi grande valeur. De toute évidence ils n'ont pas su différencier l'homme du ministre !
Vous avez brillamment fait votre entrée en politique auprès d'un jeune candidat que vous avez soutenu de toute votre splendide âme durant son mandat présidentiel avant de rejoindre, chez vous, le nouveau maire de Marseille (quel dommage que son mandat ait été interrompu par l'explosion d'une bombe artisanale à base d'huile pimentée à l'hôtel du département...).
Je me suis engagé en 2030 dans le parti que vous avez ensuite fondé. J'ai tracté, marché, milité, manifesté.
J'ai communiqué, rédigé, imprimé, débattu, discuté, défendu, convaincu... et tout cela pour un seul homme : Christophe.
En 2036, lors de votre arrestation pour - j'ose à peine le dire - association de malfaiteurs, j'ai hurlé au scandale. J'ai tenté de convaincre le pays tout entier que vous n'aviez aucun lien avec la mafia locale, que vous n'aviez jamais ni argent ni armes ni sable ni burrata. Beaucoup de de compagnons nous ont lâchés mais moi je ne vous quitterai jamais. Même la justice, liguée contre le grand banditisme, ne nous séparera pas. On pourrait découvrir une prostituée morte dans le placard de votre salle de bain que je ne vous laisserais pas tomber !
Car Monsieur Castagnier, je vous aime et vous admire. En tant qu'homme et qu'ancien ministre. J'ai foi en vous : dès que vous serez relâché, lavé de tout soupçon, votre peine purgée, blanc comme neige, vous pourrez renaître de vos cendres et redevenir ce monument politique que vous avez été. Je sais que vous saurez regagner la confiance des électeurs. La mafia, ça ne fait plus peur et c'est bien plus élégant que le détournement de fonds.
Vous pouvez compter sur moi, mon amour inconditionnel vous guidera vers la sortie. Je jure de vous écrire chaque jour à la prison de Notre-Dame-des-Landes (et dire que vous l'avez faite construire vous-
même...) jusqu'à ce que de nos échanges émerge le nouveau Christophe. Je suis sûr que Françoise Nyssen sera très intéressée par ces lettres, puis il n'y aura plus qu'à attendre que Netflix en fasse une série.
Signé :
A. G., votre futur directeur de campagne

mardi 21 janvier 2020

LE MYSTÈRE DE LA CARTE

Jojo le Pabo n'attend rien de beau, ni du coin, ni du monde. La police le soupçonne, de six crimes odieux, commis dans la banlieue de Limoges, où maugréent des passants abasourdis. Disparu depuis dix ans, échappé de la prison du vent, sise sur l'île du couchant, depuis, il est introuvable, et si les fins limiers de la police, et journalistes enquêteurs, n'ont pu localiser cet individu dangereux, il est dans la banlieue de Brest, un aveugle unijambiste qui a une dent dure contre lui ; doté d'un sixième sens certain, il est doué pour retrouver les criminels à six crimes. Armand de la Margarine, tel est le nom de cet handicapé chanceux, avec son flair de chien, et sa vue de taupe, il promène sa nonchalance lunatique et son flegme titubant, à l'hôtel des Beaujours, place du colonel clochard, à Vienne, ville grotesque où passe une fanfare désuète, une fois l'an, pour faire historique. L'aveugle méditant, cherche méthodiquement, à l'aide d'un logiciel vocal, toutes les rues, commençant par m, car Armand sait, que ce pas marrant d'assassin, ne peut vivre à l'aise, que dans une habitation, dont la rue, commence par m, et justement à Vienne, Armand a trouvé, un hôtel miteux, "la lanterne morne" qui se situe dans la rue "M le maudit". Armand n'est pas rationnel mais intuitif, ce qu'aucun commissaire n'est capable de saisir, lui peut le faire. Et Jojo le pabo, dit "la palourde de st Augustin" est aussi irrationnel et imprévisible, qu'un filou à bout de tout.
Armand a des manies de dandys. Il a un costume gris, des phases fantasques et un chauffeur mexicain qui conduit une DS rouge. A six heures, il part de Vienne, pour aller à Toissey, prendre un bain de boue, à 11 heures, à l'établissement thermale "La bonne eau de la ville". C'est dans ce délassement, que son intuition allumée, l'éclaire, magique, sur la piste floue du bandit, qu'il décrit comme un sans loi, amateur de foie de volaille, une canaille de foire, un ferrailleur de cadavre.
Armand est sûr, qu'à quelques pas de lui, à quelques heures d'intervalles, ce valet du diable, a respiré dans le coin, la même monotonie provinciale, qui fait la torpeur des notables, et la niaiserie des braves gens. Une fois déboué, Armand a pris chambre, à l'hôtel des quatrains, rue de la noix cassée, à Maximieu, où flotte comme un air du temps, comme une floraison solaire, où la chance peut fleurir..

dimanche 15 décembre 2019

Récit Apocalyptique : Face A

Je dormais parmi d'autres dormeurs plein de chaleur et de langueur. Je dormais exagérément et faisais peser tout mon corps sur le sable. Quand je me réveillais, piqué par les bruits de la foule réunie, presque tous les habitants du village étaient là. D'abord, je crus à un accident, ou à une fête, un évènement dont je n'aurais pas remarqué les préparatifs ? Mais c'est en écoutant au-delà du bruissement des voix, dans cette langue que je ne connaissais qu'encore très peu, que je m'éveillais vraiment. 
Silence. 
Le son des vagues s'était échappé. J'ouvrais les yeux, me redressais. Où était partie la houle gracieuse? A sa place, bien visibles, les casiers des pêcheurs, comme sortis de l'eau. Mais c'était la mer qui n'était plus. Même en fixant au loin et en forçant mon regard, rien, enfin seulement du sable, du sable, du sable. Même les hommes, les femmes, les animaux qui les accompagnaient ou ne les accompagnaient pas s'étaient tu. Tous attendaient. Nous étions suspendus, le monde était suspendu. Puis le sol frémit, et il y eu un spasme discret mais perceptible. Au loin, sans aucun doute, l'eau revenait à nous. Une seule vague. Immense, sans limites, puissante, folle. Mes pensées m'échappaient. Je me recroquevillais lentement. Puis, tranquillement, de nouveau contre le sable, j'attendais. 

Récit apocalyptique, face B

Alors que l'astre lunaire
Fonçait droit sur la terre
Il aurait été judicieux, même tard
Que je sorte de mon marasme, me barre, et m'échappe de ce merdier dard dard.
Secoue-toi Léonard !

lundi 9 décembre 2019

Nouvelle Zélande, 12 octobre 2017.


Le son de la mer, les vagues, personne. Je suis seule.  Moi, et mes trois toutous, canidés courant, aboyant, jouant ! Je marche un moment, puis, au creux d’un rocher face à l’océan, j’installe quelques affaires (tapis, gamelles, drap pour moi). Les chiens jouent ; moi je me laisse bercer par ce paysage féérique. Puis, après quelques instants, je fouille négligemment dans les poches de mon anorak. 
Je m’immobilise un instant, expression de surprise sur le visage : surprise,  les yeux écarquillés et les sourcils relevés, je regarde attentivement un bout de papier rectangulaire que je viens de trouver dans ma poche. Après quelques secondes d’immobilité, le sang et les émotions semblent revenir sur mon visage.
                Vous, la promeneuse de chiens sur la ligne 14, dont une des bêtes à poils a cruellement mordu mon escarpin rouge, le prenant pour un jouet à toutous sans doute… Vos excuses bafouillantes et, dans vos yeux, la peur que j’intente une action contre vous. « 1er job, 1er jour, quelle poisse ! » et moi qui réponds « Poisse ? Et si c’était une chance plutôt ...? » Bouleversée par le mini drame, vous n’avez pas compris et vous avez quitté précipitamment la rame, tirant derrière vous trois canidés (neuf en réalité !), surexcités et aboyants.
   A la fin de cette petite lecture, je souris, libre et épanouie ; mon regard se tourne à nouveau vers mes chiens éparpillés sur la plage, surexcités, joueurs et aboyants... Puis, je regarde au loin, à nouveau immobile, mais cette fois avec quelque chose de plus, amusée et fugace, une étincelle au fond de mes yeux/dans le cœur...
Au cœur de ce paysage sauvage, je reste là, rêveuse, immobile,  (…) Le fracas des vagues et les aboiements de mes chiens me ramènent ici après ce court, mais magique et lointain voyage. Je jette ma veste sur la plage. J’appelle mes chiens, joues avec eux, haletants et joyeux. La température s’est réchauffée pendant cet intervalle de temps, il fait chaud maintenant, très chaud, au moins 35° je dirais… Une petite pluie presque chaude me tombe sur les épaules. Je fronce les sourcils, gênée par cette brulante humidité à laquelle je ne m’attendais pas. L’air gentiment mécontent, je ramasse mes affaires, celles de mes chiens, les rappelle, et fais chemin inverse...
En bout de plage, une butte gravie m’avait permise d’accéder jusqu’ici.  Appelant régulièrement mes chiens, je la remonte précipitamment afin de ne pas subir trop/plus longtemps cette pluie presque brûlante. « Allios, Ran, Dooggy ! »   Mes chiens arrivent tout en zigzagant et moi, arrivée en haut de cette butte, sur ce petit coin de terre séparant cette plage isolée du reste de l’île, je me fige à nouveau, choquée ! Une ancienne inconnue, désormais devenue intime pour moi depuis ma lecture sur la plage, cette inconnue donc se trouve là, juste en face de moi. Elle me sourit, radieuse. Battements de cœur qui s’accélèrent et tapent fort dans ma poitrine ; j’ai chaud, je rougis et me sens vraiment perdue dans ce moment incongru !
J’inspire avec difficultés, regarde cette femme dans les yeux, lui souris, gênée, surprise et heureuse de cette improbable rencontre.  « Est-ce un rêve… ?! »
« Allios, Ran, Doogy, venez ici ! Ne vous inquiétez pas, ils ne sont pas méchants …» La femme continue de me sourire, je la regarde, puis baisse un peu les yeux tout en rougissant. « Nous nous sommes déjà rencontrées, sur la ligne 14, il y a longtemps … Vous portiez des escarpins rouges… »
-          « Oui », reprend la femme en face de moi, plus resplendissante que jamais, « je m’en souviens… Comment aurai-je pu oublier… ?! »
-          « Heu, et bien…, excusez-moi encore de l’incident ! »
-          « Hahaaa, vous êtes déjà pardonnée ! Maria, et vous ? Vous voyagez seule dans ces contrées isolées ? »
-          «Kézia, enchantée !  Oui, je voyage avec mes chiens, et la nature !!! Et vous… ?»
-          « Ravie aussi ! Oui, moi aussi ! Je voyageais seule jusqu’à il y a quelques instants ! Mais sans chiens !»
Sourires, regards incandescents et radieux partagés entre ces belles inconnues.
-          « Je viens de vous lire,  et vous apparaissez…! Si j’y croyais, je dirais que c’est un drôle de hasard, une coïncidence, mais là… la beauté et la magie de la vie sont si flagrantes que je ne dirais qu’une chose : il faut aller fêter ça ! »