Ce jour-là, je ne me suis pas reconnu,
rouge de honte, vert de dégout, noir de colère, ça m'a donné des ailes, décuplé
mes forces, mis à terre. J'aurai voulu attraper un oiseau au vol et migrer avec
lui à l’autre bout de la terre. Je sortis donc de la salle de réception et
alla m'isoler dans les toilettes du 1er étage, qui sont un peu plus spacieux
que les autres. J'avais l'habitude dans ces moments de perte de contrôle de moi-même,
quand je sentais le goudron envahir tout mon corps et le figer petit à petit,
que la colère était prête à déborder de réaliser un exercice de respiration.
J'entrais donc dans les toilettes et m'assis en tailleur. Je tentais un
exercice de respiration lente, en inspirant de l'air par une narine et le
faisant sortir par la même, en alternance des deux narines. Mais je fus
soudain enveloppé par un songe. Je me vis alors enfant lors d'une soirée de
nouvel an, mon professeur de physique frappant à notre porte et venant
s'installer à notre table. Je fus à l'époque pris d'une telle honte que je
courus m'enfermer dans les toilettes. Je me réveillais en sursaut, c'est
donc de là que me venait ce réflexe de la méditation- toilettes ? On frappait à
la porte...
C’était Marc, mon collègue et ami, qui
m’avait vu courir au 1er étage et connaissait bien cette manie de me
réfugier dans les toilettes lorsque j’étais contrarié. Je le briefais
rapidement sur la réunion qui avait provoqué mon courroux, et il proposa d’aller
fumer une cigarette sur le toit. Il me tendit le paquet et j’en ai extrait une
blonde, que je bloquais entre mes dents à la manière de Belmondo. Ou plutôt à
la manière de Mr Landais, qui avait également cette attitude que j’avais
observée tant de fois et finie par adopter. Ce soir de réveillon j’avais été
particulièrement frappé par la nonchalance et la classe qui émanaient de sa
personne, la clope clouée au bec. Cet homme m’hypnotisait. Il avait le don de
provoquer chez moi une sensation de chaleur mêlée à une peur panique. Je souriais
au souvenir de l’enfant maladroit et impressionnable que j’étais.
Le toit de l’entreprise offrait une vue imprenable, et parler avec Marc réussit à me détendre. Il me racontait son week-end à la montagne et l’incroyable saut en parachute que des amis lui avaient offert. C’est alors que je reçu un sms de Léa : « Mr Landais est mort, accident de voiture. L’enterrement à lieu dans 3 jours. Tu seras là ? ». Mon sang ne fit qu’un tour. A la vue de mon visage défait, Marc me questionna et je lui partageais la nouvelle. Conscient du choc que cela devait représenter pour moi, il me prit dans ses bras. Effondré sur son buste, j’enviais son expérience du week-end : une inexorable Montée au ciel.
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RépondreSupprimerBon liant, qui fait le texte uni, Le personnage narrateur, hanté par des moments de peur panique, effectue son ascension au premier étage, puis sur le toit pour chuter sur Marc, dont il mentionne le saut en parachute comme une montée au ciel, qui est aussi une descente, je peux dire...Bravo Orane et Claire !
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