Ce jour-là [...] j'aurais voulu sortir crier sur tous les toits que OUI, il est possible de changer. Et c'est ce que j'ai fait. En descendant les escaliers j'ai croisé ma vieille voisine, et lui ai servi une remarque bien sentie quand elle a, pour la énième fois, ignoré mon "bonjour". Arrivée dans la rue je me suis défoulée sur un homme qui avait laissé son chien déposer son "offrande" par terre sans la ramasser. Ragaillardie, j'ai poussé jusqu'à toquer à la vitre d'une automobiliste garée en double file sur une voix de bus. Puis je suis allée boire un café au soleil. Je me sentais bien, légère. Un peu comme la première fois où j'ai osé quitter la maison alors que ma mère était en pleine crise. Comme quoi, on est jamais mieux servi que par soi-même.
D’ailleurs, je hèle le serveur pour un
deuxième café, quand une femme s’installe face à moi et se met à téléphoner. Je
ne me gêne pas pour lui dire que ce n’est pas une cabine téléphonique ici et
que tout le monde n’a pas besoin de prendre part à sa conversation. Elle
m’incendie du regard et se lève continuer sa communication à l’écart. Le
serveur, ayant vu la scène, m’apporte mon café avec un œil sévère. Même
reproches dans les yeux que celui de ma mère, quand je suis rentrée à la maison
après sa crise. C’est quand même fabuleux, pas une once de reconnaissance !
Moi, je dis oui ! Il est possible que tout change ; les mœurs, le respect
de l’un de l’autre, la liberté d’agir pour le bien de l’autre ! J’ai envie de
faire parler le serveur. Qu’il dise tout haut ce qu’il pense, mais un
octogénaire s’installe en face de moi. Il se met à commenter la lecture de son
journal à voix haute, comme s’il était seul au monde. Je ne renonce pas et lui
dit qu’il n’est pas seul chez lui. Il ne répond pas et continue comme si j’étais
invisible. Je sens la rage monter en moi, comme quand ma mère refusait de
m’écouter et faisait comme si je n’étais pas là. Je lui fais de grands signes
pour qu’il me regarde, hausse la voix, et je vais même jusqu’à lui toucher
l’épaule pour qu’il arrête. Là, c’est le serveur qui m’arrête, me prenant le
poignet et me demandant de bien vouloir quitter la terrasse. Je vois le vieux
monsieur mettre son sonotone à l’oreille et me regarder perplexe, je vois la
femme de toute à l’heure, s’assoir et continuer son appel en sirotant un café,
je vois les yeux des gens pleins de reproches et d’accusations. Je revois ma
mère me prendre par le bras et me mettre dehors en criant : « accepte les gens
tels qu’ils sont, dans leur pire côté comme dans leur bon ». Et moi me
jouant d’elle en faisant la chorégraphie de « Give it to me » de
Michael Jackson, la main à l’entrejambe. Face au serveur, je n’ai pas d’autre
choix que de partir en faisant du moonwalk pour sauver ma peau.
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