Marie est une scientifique dans l’âme, jusque dans les veines d’ailleurs. Bercée depuis son plus jeune âge par son nom de famille ‘Cury’ dont la consonnance ne lui laissait pas d’autres choix que celui d’un avenir fait d’axiomes et d’hypothèses à vérifier, elle suivit sa route brillamment. Issue d’une lignée douteuse, ses parents n’avaient pas eu d’autres idées de génie dans leur vie que de la prénommer Marie et de garder pour le suivant celui de Pierre. C’était lors d’un pari de comptoir que la décision avait été prise : son père bien éméché et accoudé au bar, n’eut pas d’autres possibilités pour payer sa dette, sinon par une tournée générale, les poches vides. Ainsi ses enfants s’appelleront Marie et Pierre avait-il juré, craché. Ils en rient encore, sous un soupir désabusé de Marie qui finalement en disait moins long que la tendresse qu’elle avait à leur égard. Il parait d’ailleurs vraisemblable que ses parents ne sachant pas trop ce qu’il faisait en la baptisant de ce joli prénom lui léguait une porte de sortie vers l’opportunité d’une rupture génétiquement modifié sur leur vision du monde. Ils le découvrirent année après année face aux carnets de notes de cette enfant prodige qui leur apprirent à l’âge de 6 ans la vie du couple célèbre incarné en Pierre et Marie Curie dont ils ne soupçonnaient alors pas l’existence.
Cette nouvelle époque permettant toutes les aspirations aux femmes de ce
monde, Marie reçut les félicitations de son jury de thèse de doctorat en
physique quantique le jour de ses 20 ans. Elle se savait d’une intuition
scientifique potentiellement supérieure à la moyenne mais ignorait totalement
son charme qu’elle ne dévoilait pas sous ses vêtements totalement démodés et
peu avantageux.
Pour Pierre, l’inspiration en fut tout autre. L’alcool qui coulait à
flot au sein de cette famille ne l’épargna pas dans cette dépendance d’assoiffé
quel qu’en soit la couleur ou l’odeur. Née 3 ans après sa sœur Marie, observant
à la dérobée les moqueries dont elle était la cible mais préférait la taire
pour ne pas l’alimenter, il avait fait le choix de son camp, celui digne de sa
famille, applaudi sous les héglouhéglouhéglous ! Il n’endossa pas le
costume de Pierre Curie qui ne lui seyait guère bien qu’il eut bien souvent
l’impression de mieux comprendre les discours de sa sœur, une fois passé
l’heure de l’apéro. La physique quantique prenait des allures de Spock lorsque
le capitaine Kirk du vaisseau Enterprise le téléportait dans une galaxie
lointaine. A la lumière de cette science fantastique, tout prenait sens et il
lui semblait que Marie avait quelque chose de cette race distinctive de la
planète Vulcain. Il lui arrivait d’en méditer le nez planté dans les étoiles,
la tête à l’envers lorsque cette dernière se voulait trop lourde pour le
ramener dans ces rues devenues trop étroites.
Tout les séparait et pourtant respectivement ils leur semblaient qu’ils
étaient les seuls à pouvoir se comprendre mutuellement. Leurs parents avaient
fini dans le fond d’un ravin, à la déroute depuis trop longtemps déjà. La
voiture avait malheureusement obéi aux coups de volant cadencés par la radio
délivrant le dernier tube de l’été. Ils auront au moins chanté à tue-tête, la
langue pâteuse, jusqu’à la dernière seconde sans prendre conscience que ce fut
la dernière.
Marie avait alors rassuré son frère, bercé par les mots qu’elle usait,
d’explications statistiques, de fréquences d’onde et corrélations d’occurrences
qui avaient conjurées leur sort avec une probabilité epsilon d’en réchapper. Il
l’avait crue, de tous ses vœux sans en rien comprendre.
Un an s’était passé depuis ce terrible accident embarquant Marie dans
les profondeurs de ses nuits et de ses jours, centrée et concentrée sur ses
recherches en biotechnologies goulument, et ravinant Pierre dans les liquides
de toutes sortes tant qu’ils finissaient dans le fond de son gossier à embrumer
ses sens. Chacun tentant d’oublier à leur manière le manque, en le comblant de
substances addictives, kidnappant leurs neurones avides.
– La lettre de mutation au laboratoire secret de Londres sonna la rupture
de cette routine. Marie convainquit son frère de la rejoindre vivre dans les
quartiers Sud où elle avait emménagé quelques semaines auparavant : une
nouvelle vie pour d’autres expériences sans les fantômes du passé. Pierre vient
de poser ses bagages à Londres, il est 18h, c’est l’été. Par la fenêtre, le
parc de Winster les appelle à la visite.
–
Marie, allons au parc, dans
mon sac tout ce qu’il faut pour un pique-nique, le duty free oh là là que de
nouvelles saveurs à découvrir. Tout est, tout est dans mon cabas.
–
Je valide ton approche, les
probabilités convergent, la météo est hypothétiquement bonne, en espérant que
les prédictions ne soient pas arbitraires. Figure-toi que les élèves de
première année ont surpassé les pronostics des plus grands scientifiques !
Modèle très simple sans formule complexe, c’est bluffant !
–
Simple por toi, ma Mariiie…
–
Non ! La théorie :’
Demain il fera le même temps qu’aujourd’hui !’
–
…
–
Oui ! et sur 2 mois
d’étude, nos étudiants ont présenté des résultats fiables à 85%, là où les
algorithmes atteignent difficilement 70%. Alors ton idée est excellente, filons
au parc… On ne craint pas la pluie, ni le brouillard Londonien. Négligeons les
15% de risques, le temps sera aussi clément qu’hier.
–
Aaah Mariiiie, t’as toujours
les éléments pour me con- pour me convaincre p’tite chœur !
–
Mettons-nous à l’ombre de ce
grand hêtre, les UV de notre astre chéri ne devraient pas pouvoir altérer notre
épiderme trop blanc. Sais-tu qu’à 18h l’indice UV même à l’ombre peut engendrer
un érythème actinique même sans être lucite. Cette position à latitude 51° 30'
30 N et longitude -0° 7' 32 O ne nous épargnerait pas.
–
T’as raizzon, Marîii,
l’endroit est paaarfait ! Regarde les tréssors de mon cabaat
–
Pierre, soit raisonnable, je
pensais que tu étais guéri de cette pathologie cérébrale, enfin, celles définie
par une dépendance à une substance ou … une activité, avec des conséquences
délétères. C’est l’occurrence d’un mauvais choix, tu m’avais promis. Plus
d’alcool !
–
Bah parce que tu crois que
t’as pas la patogie toi avec ta soif scienfique? Et pis on s’compri mieux
en délétères. Promis !
–
Non, en ce qui me concerne,
pas de pathologie au sens strict du terme. Ce sont deux
phénomènes différents qui n'affectent pas le cerveau de la même manière. On
parle de dépendance lorsqu'on souffre du syndrome de sevrage à
l'arrêt brusque de la consommation. La science et ma soif d’apprendre est une
partie de moi, c’est comme si je m’amputais si je devenais une autre. Alors que
l'addiction est la consommation excessive d'une substance, en dépit des
conséquences néfastes. Tu confonds.
–
Ok, si tu l’dis, bois un coup
avec moi pour voir si t’as raizzon, et voir si t’as pas l’addic, addition de la
maitriche.
–
Je suis juste douée de raison
de jugement, ca na rien à voir avec la volonté de maitrise. Quelle
méprise ! quand j‘expérimente des théories, toutes les incertitudes
résident tant que je n’en ai pas la démonstration.
–
Allez Choeurette, une
expérience ! une expérience ! une expérience ! un treuc perso
rien qu’à toi….hic ! Bois un coup, c’est divin et tu chais rien de
cha ! Una granda découverta dans ce petit flacon !
–
J’ai lu un article
scientifique Allemand qui disait que l’ivresse permet de percevoir la vraie
réalité, elle éveillerait les sentiments et nous connecterait au monde mais ces
effets latéraux sont dommageables. Il vaut mieux s’en affranchir.
–
Moi ze dit juste que ch’est
dômage de rester ign-ignorant, et tout est tout. Tu préfères croire que
chavoir ? Hic ! Tiens, viens avec moi pour une fois…
–
Ok mais pas plus d’un
décimètre cube et je ne te condamnerais pas d’iatrogénie. Mes neurones doivent
rester connectées à mes synapses sinon qui prendra soin de toi, petit frère.
–
Tu vas voir, mon chou, les
étoiles te paraitront plus près que dans ton microchcop. Hic ! Tu verras
même peut être la vie sur Mars. Heglouhéglouhéglou !
–
Pouaff, un corps froid qui
délivre une telle chaleur, d’où vient cette énergie thermique. Quelle enthalpie
pour engendrer une telle thermodynamique fulgurante. J’en perds mon grec et mon
latin, contredisant le phénomène adiabatique qui s’opère dans mes organes qui
se revendiquent un par un. C’est plus que la délivrance émotionnelle, c’est de
l’hypersensibilité physiologique. Les cheveux aux quatre vents, le sud,
l’est, le nord et l’ouest tous réunis en un seul point barycentre !
–
On se calme, petite chœur, il
faut que je regloute un coup, tu vas trop vite, trop vite, viteeee. Reste avec
moiii!
–
…. !
–
Piiieer ! les oiseaux ne
chantent plus ? mon oreille ne capte plus les ondes sonores, ne tranchmet
plus les vibrations jusqu’à ma cochlée. J’ai perdu mes cellules ciliées.
Ch’entends les palpitations de mon cœur qui s’emballe dans mon système nerveux
chentral, je chens mon épicarde et mon endocarde, fichtre !!!
–
Ah tu reviens, tu reviens,
ch’ai cru que tu étais morte ! un état aussi végétatif que l’herbe grillée
où tu es couchée. Tu me comprends hein ?
–
Ou chon les enfants du parc,
tout est silence à l’extérieur de moi. oouh ma tête, un vertige
paroxystique ? C’est notre planète sur son orbite ! Chui capable de
ressentir la rotation planétaire et orbitale sur son plan astral, le tout en
un… Fichtre !
–
Tu es partie pendant quatre
heures, ne fais plus jamais cha, choeurette ! Ton corps t’a tout quitté…
–
Quatre heures !
partie ! un voyage sidéral, un trou dans le temps, un trou noir, les
particules quantiques, elles sont là devenues visibles, elles papillonnent,
elles me parlent, elles m’invitent. Heisenberg en deviendrait fou ! Cloué
le bec à ses inchertitudes !. Je suis leur amie. Je vous connais, je vous
ai étudié de longues années, je vous vois, je suis heureuse, hic, je suis
heureuse, Pierre. Plus rien n’existe, il n’a plus qu’elles qui veillent, qui
ont toujours veillé dans l’ombre et qui se révèlent à moi aujourd’hui ! La
‘rivilation’ (révélation) de tous les temps et de tous les
espaces.
–
Viens, choeurette, on va
rentrer, les oiseaux sont dans leur nids, les enfants sont couchés, le parc est
désert, rentrons. Hop ! que tu es lourde !!! Move for me…hic !
mais tu pèses au moins 100kg…
–
C’est le poids de la
science…Je suis légère, mes pieds ne touchent pas le sol, une lévitation sans
magnétisme et ma tête pèse la conscience de ce qui m’entoure. Quand je pense
que tu détenais ce secret… Nos parents seraient fiers de me savoir enfin
sachante !
–
Oh non, les grilles du parc
sont fermées…
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