dimanche 15 décembre 2019

Récit Apocalyptique : Face A

Je dormais parmi d'autres dormeurs plein de chaleur et de langueur. Je dormais exagérément et faisais peser tout mon corps sur le sable. Quand je me réveillais, piqué par les bruits de la foule réunie, presque tous les habitants du village étaient là. D'abord, je crus à un accident, ou à une fête, un évènement dont je n'aurais pas remarqué les préparatifs ? Mais c'est en écoutant au-delà du bruissement des voix, dans cette langue que je ne connaissais qu'encore très peu, que je m'éveillais vraiment. 
Silence. 
Le son des vagues s'était échappé. J'ouvrais les yeux, me redressais. Où était partie la houle gracieuse? A sa place, bien visibles, les casiers des pêcheurs, comme sortis de l'eau. Mais c'était la mer qui n'était plus. Même en fixant au loin et en forçant mon regard, rien, enfin seulement du sable, du sable, du sable. Même les hommes, les femmes, les animaux qui les accompagnaient ou ne les accompagnaient pas s'étaient tu. Tous attendaient. Nous étions suspendus, le monde était suspendu. Puis le sol frémit, et il y eu un spasme discret mais perceptible. Au loin, sans aucun doute, l'eau revenait à nous. Une seule vague. Immense, sans limites, puissante, folle. Mes pensées m'échappaient. Je me recroquevillais lentement. Puis, tranquillement, de nouveau contre le sable, j'attendais. 

Récit apocalyptique, face B

Alors que l'astre lunaire
Fonçait droit sur la terre
Il aurait été judicieux, même tard
Que je sorte de mon marasme, me barre, et m'échappe de ce merdier dard dard.
Secoue-toi Léonard !

lundi 9 décembre 2019

Nouvelle Zélande, 12 octobre 2017.


Le son de la mer, les vagues, personne. Je suis seule.  Moi, et mes trois toutous, canidés courant, aboyant, jouant ! Je marche un moment, puis, au creux d’un rocher face à l’océan, j’installe quelques affaires (tapis, gamelles, drap pour moi). Les chiens jouent ; moi je me laisse bercer par ce paysage féérique. Puis, après quelques instants, je fouille négligemment dans les poches de mon anorak. 
Je m’immobilise un instant, expression de surprise sur le visage : surprise,  les yeux écarquillés et les sourcils relevés, je regarde attentivement un bout de papier rectangulaire que je viens de trouver dans ma poche. Après quelques secondes d’immobilité, le sang et les émotions semblent revenir sur mon visage.
                Vous, la promeneuse de chiens sur la ligne 14, dont une des bêtes à poils a cruellement mordu mon escarpin rouge, le prenant pour un jouet à toutous sans doute… Vos excuses bafouillantes et, dans vos yeux, la peur que j’intente une action contre vous. « 1er job, 1er jour, quelle poisse ! » et moi qui réponds « Poisse ? Et si c’était une chance plutôt ...? » Bouleversée par le mini drame, vous n’avez pas compris et vous avez quitté précipitamment la rame, tirant derrière vous trois canidés (neuf en réalité !), surexcités et aboyants.
   A la fin de cette petite lecture, je souris, libre et épanouie ; mon regard se tourne à nouveau vers mes chiens éparpillés sur la plage, surexcités, joueurs et aboyants... Puis, je regarde au loin, à nouveau immobile, mais cette fois avec quelque chose de plus, amusée et fugace, une étincelle au fond de mes yeux/dans le cœur...
Au cœur de ce paysage sauvage, je reste là, rêveuse, immobile,  (…) Le fracas des vagues et les aboiements de mes chiens me ramènent ici après ce court, mais magique et lointain voyage. Je jette ma veste sur la plage. J’appelle mes chiens, joues avec eux, haletants et joyeux. La température s’est réchauffée pendant cet intervalle de temps, il fait chaud maintenant, très chaud, au moins 35° je dirais… Une petite pluie presque chaude me tombe sur les épaules. Je fronce les sourcils, gênée par cette brulante humidité à laquelle je ne m’attendais pas. L’air gentiment mécontent, je ramasse mes affaires, celles de mes chiens, les rappelle, et fais chemin inverse...
En bout de plage, une butte gravie m’avait permise d’accéder jusqu’ici.  Appelant régulièrement mes chiens, je la remonte précipitamment afin de ne pas subir trop/plus longtemps cette pluie presque brûlante. « Allios, Ran, Dooggy ! »   Mes chiens arrivent tout en zigzagant et moi, arrivée en haut de cette butte, sur ce petit coin de terre séparant cette plage isolée du reste de l’île, je me fige à nouveau, choquée ! Une ancienne inconnue, désormais devenue intime pour moi depuis ma lecture sur la plage, cette inconnue donc se trouve là, juste en face de moi. Elle me sourit, radieuse. Battements de cœur qui s’accélèrent et tapent fort dans ma poitrine ; j’ai chaud, je rougis et me sens vraiment perdue dans ce moment incongru !
J’inspire avec difficultés, regarde cette femme dans les yeux, lui souris, gênée, surprise et heureuse de cette improbable rencontre.  « Est-ce un rêve… ?! »
« Allios, Ran, Doogy, venez ici ! Ne vous inquiétez pas, ils ne sont pas méchants …» La femme continue de me sourire, je la regarde, puis baisse un peu les yeux tout en rougissant. « Nous nous sommes déjà rencontrées, sur la ligne 14, il y a longtemps … Vous portiez des escarpins rouges… »
-          « Oui », reprend la femme en face de moi, plus resplendissante que jamais, « je m’en souviens… Comment aurai-je pu oublier… ?! »
-          « Heu, et bien…, excusez-moi encore de l’incident ! »
-          « Hahaaa, vous êtes déjà pardonnée ! Maria, et vous ? Vous voyagez seule dans ces contrées isolées ? »
-          «Kézia, enchantée !  Oui, je voyage avec mes chiens, et la nature !!! Et vous… ?»
-          « Ravie aussi ! Oui, moi aussi ! Je voyageais seule jusqu’à il y a quelques instants ! Mais sans chiens !»
Sourires, regards incandescents et radieux partagés entre ces belles inconnues.
-          « Je viens de vous lire,  et vous apparaissez…! Si j’y croyais, je dirais que c’est un drôle de hasard, une coïncidence, mais là… la beauté et la magie de la vie sont si flagrantes que je ne dirais qu’une chose : il faut aller fêter ça ! »