lundi 29 mars 2021

Isabelle crie aux corneilles

Des corneilles volent au-dessus de la forêt sans feuille, le vent souffle, la tempête s’annonce. Les maisons se ferment et se vident, les bourrasques font fuir les habitants, tristes et sans défense. L’ouragan approche de toute sa hauteur, au-dessus de la ville blanchie sous la neige. C’est un cataclysme qui inonde les rues, balayant tout sur son passage. Tout sera à reconstruire, tout est détruit. Les maisons n’ont plus de toit, les oiseaux se réfugient par les carreaux cassés. Les gravats volent sous le vent. La catastrophe s’étend. 

Ce n’est pas la première fois que le pays connait une telle tempête, et à chaque fois c’est la même chose. Les marins et les habitants se souviennent et racontent. Ils pleureront encore leurs morts et leurs dégâts devant les corps perdus et les décombres. Quelques secondes seulement pour tout anéantir et des années pour se reconstruire. Deuil et ruine lorsque le cyclone est passé. La ville est dévastée, il ne reste que la désolation pour les survivants.


lundi 22 mars 2021

Laurence sur une île

Une île au milieu de l'océan, un soleil rouge éclaire une plage de sable fin, revêtant la même couleur. Un homme nu debout sur la plage. Pas de vêtements laissés par terre dans le périmètre alentours. L'homme a une bouche ouverte en grand, d'où sort un cri. La tête est penchée en arrière, les deux mains en entonnoir autour de sa bouche poussent le hurlement en direction des cieux. 

Les mains s'écartent, restent en suspens puis retombent le long des cuisses à la pilosité forte. Mains aux doigts secs et caleux sur poils noirs. Puis c'est tout le corps qui s'effondre et s'étale sur le sable. L'homme sur le dos a les yeux rougis. Il les ferme. Des larmes coulent sur ses joues couperosées. Les jambes et les bras de part et d'autre du corps, inertes, et le ventre creux, qui monte et descend dans une respiration saccadée. 

Un filet de voix incante et réclame l'aide de Dieu. L'homme, pris de convulsions, est seul sur ce monceau de terre. Des oiseaux survolent l'île en arcs de cercle de plus en plus resserrés autour de l'individu au sol. Le ressac de la mer approche la plante des pieds de l'homme sans la toucher. Des ailerons de requins apparaissent en surface dans la marée basse. 

L’homme plie un bras et s'accoude sur un côté puis le bras flanche et l'homme retombe sur le dos. Il renouvelle la position mais flanche encore. A plat sur le dos, le visage se déforme, le corps convulse, les yeux roulent dans leurs orbites. L'homme bredouille des phrases dans sa barbe, postillonnant, tirant la langue, lançant sa tête de gauche à droite. 

Un temps. Silence. Il ne bouge plus. Les oiseaux atterrissent sur le sable. Traçant des étoiles dans le sable, ils viennent picorer les orteils de l'individu.  Qui sursaute, se redresse. Donne des coups de pied dans les volatiles. Le visage aux lèvres pincées, le port de tête droit, il est debout, fait dos à la mer et se dirige vers la jungle. 

Il gravit la colline, le regard fixe sur le sommet de l'île. Ses pas avancent à travers les plantes grasses et les ronces. Ses mollets se colorent de rouge, le sang perle à mesure qu'il progresse. Les oiseaux virevoltent au-dessus de lui. Des oiseaux aux multiples couleurs, parfois fluorescentes. Ils chantent au-dessus de sa tête.  L'homme avance toujours. Ses pieds arrachent des lianes pleines de ronces et s’y enfoncent, l'un après l'autre. L'ascension. Le sommet. Une lumière diffuse un halo éblouissant. Dieu. Dieu est là en face de lui. Il tend la main et lui montre le paradis. 

Sur une île

Il crie cet homme nu, sur une île. Il hurle à Dieu, « donne moi la clé, jette donc les dés ». Mais Dieu se cache, absent, inexistant. Désespoir. Absurdité. L’homme s’effondre, mou, comme le sable. « Oh ! enjoint l’Eternel. Lève-toi et marche » !

Ce spectacle était indubitablement cruel. Un mot interminable vint à l’esprit de Solman : « Intermineralisinventiquestranarchophagipoesidanimzlierofragilusr ». C’est peut-être ce que dirait Dieu s’il s’intéressait à nous autres, pauvres créatures perdues et abandonnées sur cette pauvre terre ? Dieu est incompréhensible, se disait l’Homme perdu dans ses pensées. « Prêter des paroles humaines à Dieu, se serait l’enfermer dans nos schémas de pensées syntaxiquement humains, dans une sorte de parallélépipiède hyper étriqué », se disait Solman dans cette longue méditation mélancolique et contradictoire, allongé de toute sa longueur, de toute sa lourdeur, dans le sable chaud. Dans un regain de volonté, l’homme tenta de se relever, combativement pourtant. Mais il retomba lourdement dans le sable, dérouté, révolté. « Dieu tu es un hors la loi. Dieu, tu ne respectes rien ! apostropha t-il. Anticonstitutionnellement, tu as décrété le souffrance et la solitude sur cette terre ».

Dieu ne parla pas à Solman. Enfin pas comme il l’aurait cru. Quand Solman fit enfin cesser sa petite voix victimaire, il réussit à se lever. Il décida de quitter la plage pour découvrir la jungle que recouvrait la colline environnante. Il oublia sa révolte, son sentiment d’abandon et de solitude. Il voulait désormais atteindre le sommet et se concentra bientôt totalement à la réalisation de ce but. Par une intuition surnaturelle, il avait désormais la certitude qu’une expérience initiatique l’attendait tout en haut. Les plantes grasses et les ronces lui dévoraient les mollets. Solman n’y prêtait plus attention. A mesure que son ascension progressait, il découvrait des espèces d’oiseaux multicolores et fluorescentes totalement inconnues. De leur bec jaune s’échappait une mélodie envoutante. Solman se sentait pousser des ailes.  Ses pas se faisaient plus légers et s’extirpaient des ronces dans une fluidité évanescente et sereine. L’ascension touchait à sa fin, quand enfin, Solman Le vit, Lui, Dieu, à portée d’Homme, dans son paradis originel.

Mutique Observation d'Armelle

Il est là seul, cet homme, ce vieux fou entièrement nu, sur ce rocher du bout du monde, ce caillou situé non loin de Lampedusa rythmée par les arrivées massives de migrants éreintés par la vie, déchirés dans leurs espoirs, cassés dans leurs illusions déçues. Il a pris possession de cette petite île il y a 10 ans. Il vit là reclus à regarder les mouettes virevolter au-dessus de sa tête, tanné par le soleil et heureux de contempler la mer, le soleil et l’éternel recommencement des vagues. Il a tout quitté pour oublier. La violence, la peine, la souffrance, le déchirement… Pour s’installer ici, seul. La mémoire lui fait défaut. Il est devenu étrangement hermétique à la cruauté du monde, comme s’il voulait s’en protéger. Voir au bord de l’eau le cadavre de cet homme qui gît ne l’emplit ni de dégoût, ni d’écœurement, encore moins de révolte et d’horreur. Il regarde cliniquement le macchabée se faire déchiqueter par la mouette. Et trouve une certaine beauté dans ce spectacle. La mer apporte son lot de cadeaux, se dit-il. La mer nourricière… L’homme et l’oiseau récupèrent… Tous ces cruels naufrages sont des aubaines pour ce robinson des temps modernes : des bouts de zodiacs éventrés, des vêtements déchiquetés, des gilets de sauvetage perdus sont quelques-uns des « trésors » que la mer lui offre pour orner sa cabane sur la plage.

Mutique Observation d'Annie

Mission 17082015

Drone 646666

Objet : Humanoïde hors champ repéré par recherche aléatoire sur zone inexploitée

Descriptif :

– Identité et mode de vie non référencés

– Aucun enregistrement de transactions ces 20 dernières années

– Cartes génétiques et de connexions inconnues

Zone d'investigation

Point 25XY0, section nord-ouest du grand océan, sur un rayon de 25KM

Attention particulière

Visibilité correcte une fois tous les 4 ans, aucun champ magnétique identifié.

Résultat attendu :

Regrouper le maximum de données pour mise à jour du profil

Rapport :

Vol du 29 février 2077

Balayages infrarouges répétés à intervalles réguliers. Repérage petit ilot de 1ha environ. Gros rocher sombre, peu de végétation, une crique escarpée avec plage blanche caillouteuse.

La bande sonore correspondant à la durée de l'expédition est remise en fin de mission pour étude. Il sera nécessaire d'isoler les sons pour en identifier l'origine.

Difficulté d'exploitation pour sonothèque et traduction en raison d'un silence à réverbération.

Mise en évidence de volatiles, à grandes voilures noires, en bande, dépeçant une proie inerte et flasque échouée en bordure du rocher. Descriptif du sol rendu complexe par la présence en grande quantité, d'objets aux formes inconnues où dont la présence sur ce lieu interroge. Des déchets archéologiques et civilisationnels l'expliquent en partie. La liste avec photographies est jointe au rapport pour confirmation.

Humanoïde repéré à la sixième heure d'investigation et enregistré/ ramassage de bois sur la plage, aucune transaction repérée/rassemblement de cette cueillette sur zone plate, déboisée/L'entassement de typologie « maison de castor » semble constituer un abri. A vérifier.

Un zoom permet de préciser le sujet : pigmentation argile N°19, Système pileux persistant. Zones de transpirations sur torse et crâne. Activité évaluée comme aléatoire où à objectif inconnu. Des allers et retours fréquents, associés à de l'agitation de tous les membres et des cris sans destinataire visible, vers les objets désignés ci-dessus. Ces périodes excitatoires sont ponctuées par une inertie type sommeil ou observation mutique, face au grand océan.

Les volatiles décrits plus haut, tournent plusieurs fois au-dessus de lui. La bande son pourra nous confirmer si un mode de communication direct, non connecté existe entre ces deux espèces.

Nous confirmons l'absence de toute vie civilisée et de tout danger concernant cet échange cellulaire non connecté. Néanmoins les pièces jointes sont à investiguer et à rapprocher des prises de vue transmises, pour servir d'alerte si d'autres cas parvenaient à notre connaissance.

Mutique Observation

Le cri mou des canailles, loin de la rade, n'entrave point, le chafouin cannibale, désossant, amplement un cadavre de noyé, bien gonflé... Il s'applique vite, connaisseur saisisseur, de la découpe anatomique. La plage caillouteuse accueille les rejets de la mer, merveilleusement !

Oh les naufrages, heureux pour cette contrée, apportant leur lot d'objets peu vifs, pour décorer la côte de choses secouées... Cette île est une aubaine de grenier, ou le cannibale nu, fait ses emplettes pour corser sa cabane de branches de bois urbainement travaillés. Le sort en est jeté, comme les dés du hasard, et l'homme bronzé capture à loisir, ce que les entrailles des épaves larguent sur la plage de cailloux. La clé des distractions, c'est cette abondance d'excroissances maritimes, que la mer abondante déverse, sans réserve, et ou le bonhomme fou, joue à vivre, au milieu des océans.
Parallélépipède est la construction branchouillée, bidonnée et enchevêtrée de morceaux de tissus épars et bariolés couverts d'épaisseurs iodés. Syntaxiquement, mutiquement, tacitement, l'habitant errant, sur la terre volcanique brandit ses bras pour des jeux gestuelles sans réponses, face aux oiseaux trop haut pour autoriser un espoir de réponse, face aux gestes du dément, qui peste, à sa manière, de sa condition d'isolé désolé qui ruisselle sous l'action échauffante du soleil crâneur. Le spectacle journalier, qu'offre, les vagues venues de la mer finissant sur la plage, est une infinie beauté, pour l'homme voyant cela tous les jours, dans une métronomie totalement engagée dans la répétition des sons et des lumières. Indubitablement, le bizarre de la vie ilaire, ne rend pas atrabilaire, l'homme morne qui s'orne de rien. Anticonstitutionnellement, y'a pas de règlement, sur ce bout de terre où il ne fait pas fier.

Intermineralisinventiquestranarchophagipoesidanimzlierofragilus, y'a rien à dire, pour tenir sur cet îlot idiot.
Y'a les nuages plus oisifs que les oiseaux, pour arracher à la torpeur, l'homme morne basé sur l'insensé caillou douillé qui marine sur l’océan. Et les oiseaux sauvages comme des taches, s'arrachent du ciel pour rire autour de la pierre habitée de nids et d'illusions. L'homme aimant les pacotilles et l'exotisme, s'extase en silence des cris envahissants, blanchissant son cerveau déshabitué de paroles, des laconiques expressions que les becs dansants, lancent à cette terre blême.

Oh Vincent ! Tu tchatches trop fort !

Il entre dans le bar bruyant, et fait taire, le troubleur, en criant. En son for intérieur, pour lui, enfant avec presque rien, le bonheur est dans la tête, inventer est libérateur, alors après ça continue, inventer de peu, à la façon de Saint-Exupéry, pas comme Asimov. Faire du Mary Poppins, faire des mots et ne pas les perdre. Dans le bar tabagique, les accrocs aux jeux s'adonnent, lui regarde, on lui dit qu'il est poète, ça lui fait voir son visage dans l'aquarium.

Oh Dédé ! Tu tchatches trop fort !

René vient de franchir la porte du bar des sports, et, excédé par le bruit ambiant, s'écrie :

Oh Dédé !

Tu tchatches trop fort !

Qué boucan c’ui là !

Lâche-nous avec tes dés maudits va.

Tu joues tu cries tu secoues tes bras mous, on dirait un fada.

T’attends quoi ? Gagner le gros lot pour te la couler douce sur une ile ?

Mais c’est pas ça la clé du bonheur !

A part :

La voie de la félicité, je vous le dis chers lecteurs, elle est dans la boite à clous. Indubitablement, ce qui me fait prendre mon pied, c’est ma caboche.

Quand on a grandi avec peu, sans livres ni jouets, il faut faire preuve d’inventivité pour ne pas mourir d’ennui. Mais si vous avez assez d’imagination, pas besoin de théâtre pour aller au spectacle. Votre petite tête se charge de métamorphoser la réalité, de planter le décor, de dérouler l’intrigue. Comme dans le Petit Prince, vous savez. Un simple parallélépipède se transforme en boite contenant un mouton.

La fabulation c'est la libération. Et pas besoin d'avoir l'imaginaire d'Asimov pour embarquer dans la fusée de la fantaisie. Comme dans Mary Poppins, vous vous souvenez ? Sauter à pieds joints dans un tableau, c'est bête comme chou comme idée, mais qu'est-ce que ça ouvre comme possibilités !Intermineralisinventiquestranarchophagipoesidanimzlierofragilus, c'est pas ça qu'ils disent dans le film ? Ha ça, s’ils le mettaient dans le dictionnaire, ça serait bien le mot le plus long. Encore plus long qu'anticonstitutionnellement. Quel mot rébarbatif. Franchement, la langue française en connait des plus poétiques. Aurore éclatante de promesses fugaces électrise l'atmosphère inerte d'une nuit fantasmagorique. Bon, syntaxiquement c'est un peu lourd certes, mais quels mots ! Ça roule, ça caresse, ça chante....

Je crois bien que c'est ça qui m'effraie le plus, perdre mes mots un jour. Alors combativement je m'applique, chaque jour, à en utiliser le plus possible pour pas qu'ils m'échappent, pour les garder près de moi le plus longtemps possible. Je les chéris, je les chantes, je les écris..

Dans l'ambiance enfumée du bar, les joueurs invétérés misent, jettent les dés, cochent les grilles, grattent les tickets. René embrasse la salle du regard avec tendresse, et s'arrête sur le visage de Bertrand, le patron et ami de longue date. Il discute avec un jeune homme souriant accoudé au comptoir. Ce dernier remarque René et l'apostrophe : "Oh le poète, comment il va ?". René reste interdit, et fini par bredouiller un petit "Ça va, ça va". Le jeune homme quitte le bar en adressant un signe de la main aux clients.

René s'approche du comptoir et s'adresse à Bertrand :

- Dedieu, je savais pas que j'avais une telle réputation...

- Bah mon vieux, tu le connais, c'est Flo, le petit fils de Michel, qui est de passage à Marseille. Il était là la semaine dernière.

Le regard de Bertrand s'assombri. Il prend la main de René.

- Ca s'arrange pas hein ?

Atterré, René se tourne vers l'aquarium qui trône au bout du zinc. Il tente de saisir dans le regard du poisson rouge ce qu'on peut ressentir quand la mémoire nous fait défaut. Mais tout ce qu'il réussit à voir dans le reflet du bocal, c'est le visage d'un vieux singe à qui on apprend pas à faire des grimaces.

Une idée vint d'Annie

Corps immobile dans sa prison. Vision au fond de la pièce, de ce corps recroquevillé dans le coin sombre. A l'abris des regards, la pensée vagabonde, laisse advenir l'envie de boire le vin de la transgression, du bouillonnement qui blanchit les lèvres d'écume avant de jeter le dé.

Le 6 s'imprime dans son cerveau, corps nu balloté comme gelée du pot de confiture, secousse de ce rut , mou, inutile et triste. Pour attendre l'ailleurs qui sauve, la poésie d'ADONIS coulent sur ses joues : « les jeteurs de dés abolissent le corps de l'instant »

Le corps ne réagit pas. Rien ne se passe. Les bras de l'éphémère poursuivent dans les cris de la jouissance. La blessure ne se ferme pas sur le corps écorché... Nouveau lancement de dé pour faire taire le 6, chiffre rond et sans accroche. Le 7 apparaît, chiffre du temps, autre image qui impose à entrer dans l'intime. Un 7 et sa clé du SI....

L'embarcation, se dessine avec l'amour comme bouée de sauvetage. C'est un amour moelleux, confortable, explosif qui ignore les échos contraires. Loin des yeux bandés, des oreilles bouchées, des bouches muselées, des émotions inertes. Vous avez devant vous un virtuose au jeu du 7 et de la clé de si !!

Si la pensée s'envole, le corps reste enchaîné, prisonnier, brisé, secoué, tremblant sous les yeux du bourreau. Le corps ne lutte plus, il s'affaisse, tout au contact du sol sale, rugueux, blessant. Ainsi étalé, il devient possible de ramper pour tordre le cou à la peur, chercher de la main les barreaux de la cage pour se relever. Ils ont disparu.


Une idée me vint

Une idée me vint. Oh ! Vœu pieu. Je bois ce vin et oh ! j’écume, et jette un dé. Six dans le cortex. Un rut, mou et niais. Nu en gelée. Oh ! Une île au loin. Je tourne la clé. Ptt. Ptt. Moteur noyé. Rien. Queue. Dalle. Je saute. Un cri. Il saute. Deux crient. C’est lui et moi. Une eau salée. Une peau cloquée. Pelle mêle sable et soin. Corps gisent là. C’est lui et moi.

Si j’avais dessiné un parallélépipède polymorphe, indubitablement j’aurais essayé, tout-tenté, dépecé, et calibré une embarcation à toute épreuve. Syntaxiquement comment améliorer le confortable recours à l’amour en bouée de sauvetage. Sur le radeau-tempête, à grosses couettes, qui inexorablement attire les mouettes. Édredon moelleux, miséricordieux, Molotov-en-vie-eux. Affolée devant ce spectacle : une ribambelle d’écuelles, de brochettes, de serpettes et de mouches qui pètent, vocifèrent anticonstitutionnellement des discours dératés, abjectes, malhonnêtes. Ainsi, systématiquement devant le gromelot des autochtones, je m’accroche sauvagement à celui qui me servira de bouée de sauvetage. Occasionnée par une attaque entièrement sordide, une démolition, une destruction, un dézingage de poltrons. 

Besoin intrinsèque de vilipender, je  intermineralisinventiquestranarchophagipoesidanimzlierofragilus. J’exhume à travers ma harangue, mes fantômes de cauchemars tsunamiques à répétition. Je m’asperge salement et conglomère un langage abusivement inaudible : unpersimyticouslapachaupourtoitasalolimopouricatalimatitoniere.

Palmes ceinturées par des lianes sur peaux mâtes. Couleur hâlée. Scarification tribale. Il ne reste que peu de son âme au touriste scalpé et balafré. Elle rit dans un coin de la cage, une jambe en vrac, des yeux dilatés par la folie. Sa bouée de sauvetage n’est plus ; plus qu’un tas humain sans vie, un amour perdu. Elle déraisonne : que va-t-elle devenir ? Objet d’échange ? Mère porteuse ? Offrande ? ça sent le cochon brûlé. Elle se jure de ne pas en manger.

1209 Les croisés descendent en hordes

1209 Les croisés descendent en hordes sur Béziers, pour le chevalier Gregorio, ne voulant pas participer à l’ost de Simon de Montfort, (qui pour s’enrichir voulait éradiquer les cathares,) cette route n’est que cris, des oh de désespoir et de tristesse devant ces corps nus, mous, sur lesquels les corbeaux s’accrochent comme sur une ile. Il serre sur son cœur la clé de son castel, peut-être n’est-il pas trop tard pour sauver ses serviteurs.

Arrivé enfin à Casseneuil, son château, reconnaissable à la forme d’un parallépipède , offre à ses yeux un spectacle indubitablement réconfortant.

Ses gens le reconnaissent, et le salue tel un sauveur, tous ont peur et espèrent que leur seigneur et maitre va pouvoir les protéger. Car si l’angoisse, est palpable, et prend à la gorge, la terreur se lit dans  les yeux des manants ; le seigneur du castel doit les protéger,  et être fidèle à sa réputation.

En effet, Sire Grégorio est connu dans la région pour sa générosité, c’est un grand redresseur de torts, et  sait «  combattivement » supprimer les difficultés et les injustices.

Il lui reste peu de jours pour réunir les barons du Toulousain afin qu’anticonstitutionnellement, ils mettent au point un système de défense. Mais tous ont fort à faire pour protéger les villages alentours de leur fief, et éviter les pillages et autres crimes.

Il leur faut tenir moins de 40 jours, car après l’ost sera terminé, et chacun rentrera dans son logis, ceux qui auront massacrés et pillés seront un peu plus riches……Béziers sera prise par félonie, les gens trop crédules ont laissé entrer les loups dans la bergerie….Les parfaits mourront sur le bucher, sans qu’on puisse faire grand-chose pour empêcher cette tragédie.

Grégorio et le peu d’hommes sachant combattre, appartenant à sa mesnie, sait que la bataille sera rude. Le cœur déchiré par la terreur, il craint de ne pouvoir les sauver tous ; il sait qu’il n’aura pas l’aide des templiers, qui refusent de prendre parti.

Alors Flore, la servante qui l’a vu naitre, lui conseille d’aller dans la forêt chercher Miranda, la sorcière, pour qu’elle les aide avec ses sortilèges : vieille, vilaine, édentée, hirsute, elle vient à sa rencontre avec un hibou posé sur son épaule, ayant bien écouté ce que lui demandait le seigneur, se met à gigoter, tourner sur elle-même, et à psalmodier :

« Intermineralisinventiquestranarchophagipoesidanimzlierofragilus » (n’oublions pas que dans cette partie du moyen âge, la superstition était grande.)

Chacun sait, de nos jours, que cela n’a pas suffit, hélas ! Après la folie meurtrière, contagieuse, dévastatrice, a succédé une période de reconstruction, de dure labeur, nul gagnant, car les vies perdues n’ont pas de prix. Mais la « secte » des cathares a disparu, et de nouveau, les chrétiens paieront la dime au clergé.

Dégouté, désespéré après avoir vu ses amis, ses gens dépecés, les femmes et les enfants massacrés, Gregorio, suivi par quelques « bons hommes » décida d’aller à Rouen, où ayant une très grande maison, ils purent se réfugier. Gregorio, riche par sa vie passée, acheta des maisons pour tous ceux qu’il ne pouvait pas loger chez lui.

Les gens reconnaissants, prirent soin de lui, et par leur travail, il put aussi se consacrer à la charge de Prévôt du Roi, que Philipe Auguste, lui avait remis pour ses bons et loyaux services.

Crac !

Crac, crac ! ses os craquent sous le joug du temps. Son cou est mou, l'eau coule le long de son dos.

Il a cru par dépit ou par déni qu'il avait la clé du temps, mais Clac ! Ses doigts crispés sur le dé, hurlent de douleur.

Oh ! S’il avait, s’il avait pu, du haut de son île, pousser le cri qui tue en temps et en heure ! il aurait vu la ville au loin, sous le doux soleil, et là, nu et fort, il aurait bravé tous les styles, aurait défié tous les poncifs et détruit tous les « y a qu'à faut qu'on ».

Parallélépipède ou parrallépipédique ? Si si la réflexion s'impose. Cela n'a l'air de rien mais lorsque le premier est un fait, une structure, une réalité incontestable ; le second est une conceptualisation qui invite à l'immensité des possibles.

Syntaxiquement tout peut s'envisager, mais indubitablement ces deux mots ne nous mènent pas au même endroit.

Ainsi va le spectacle de la vie. Vite ! le tangible, pas la vérité poético-scientifico-immuable mais le réél. Ce réel qui permet de pointer du doigt la règle, la loi pour mieux briser tout objet anticonstitutionnellement incorrect.

Seule l'écriture sauve, parce qu'elle admet l'imperfection, l'improbable. Enfin autorisé l'intermilinventiquestanarchophagiepoésieduninzlerofragilus peut nous inonder de son anarcho-poésie, fragiliser nos certitudes grotesques et viser l'infiniment microscopique.

Le faucon est son surnom, œil vif, ailes agiles et griffes acérées. C'est lui qui d'un vol large, porté par le vent, plane longtemps, lentement au-dessus des nuages. C'est un vol du tout puissant mais sans arrogance, fluide et gracieux. Rien ne l'atteint, tout est à distance. Les ailes déployées donnent le ton, imposent le respect et apaisent.

C'est le même qui, lorsqu'il le décide, peut foncer sur sa proie, déchirer les sons, déchiqueter les mots, emporter dans son refuge les phrases éparses pour les broyer, les réduire au silence, les émietter peut être pour en nourrir sa nichée.

Le cri des Corneilles

Cri des corneilles aux cimes encore nues

L’Univers s’agite, Mathilde est revenue

Clé sous la porte, tablier rendu

Demain s’effrite, Mathilde est revenue

Le cœur trop mou, haché tout menu

Les dés sont pipés, Mathilde est revenue

Oh ! Grand remplacement, Oh ! Îles mirages

A quoi bon lutter, Mathilde est revenue

Le corps en suspension dans une autre dimension le temps d’une chanson, d’un mois, d’un songe peut-être ? En contemplation devant ce parallélépipède un peu bancal, pas très symétrique en somme, qu’était sa vie jusqu’à maintenant. C’est l’hiver, le spectacle est beau, finalement, quand on le regarde de haut.

Et puis soudain, ses bras, ses jambes, indubitablement, elle vit encore et les jours font sens, les heures prennent forme et les angles des rues dans son esprit retrouvent des couleurs. Combativement, elle remet de l’ordre aux méandres de son cerveau et les reflux boueux qui composent ses pensées se mêlent d’eau claire, c’est limpide. Une démocratie nouvelle, des articles de lois syntaxiquement parfaits, en accord avec elle-même. Anticonstitutionnellement elle prend la fille de l’air, l’exode loin d’hier sera long mais la quête est louable, trouver enfin son monde, et le régir à sa façon.

Elle hasarde un œil fiévreux sur la charpente maintenant à ciel ouvert. La fenêtre en face a perdu ses carreaux, et ouvre maintenant des yeux vides sur le corps des oiseaux de proie, fermant le bal sur les derniers airs de la catastrophe qui vient de se jouer.

Oh Mathilde, trombe marine dont la légende fait trembler les pêcheurs par son inconstance, se passera- t-il un mois, un an, une décade avant que tu ne reviennes engloutir les chalutiers et leurs filets, avant que tu ne transformes à nouveau les prés en marais stériles ? Combien se sont déjà retrouvés apatrides après tes frasques ?

Elle repousse la lourde table et les décombres qui la coincent au coin de la pièce et sort de la chaumière avec peine, enjambant les branches et les gravats.

Elle ramasse au hasard les quelques souvenirs rescapés, un cadre, une théière, sa vieille poupée.

Elle émigre vers l’horizon, où le ciel est clair et où Mathilde, la reine des tempêtes, n’existe plus.

Le réveil

Le volet claque, bébé pleure, le réveil sonne. 6 heures. Ni une, ni deux, prêt partez, je saute du lit, je glisse hors du chausson, je me cogne la tête. Sonnée mais pas KO, nue je me fige. 2 secondes. Le volet claque, bébé pleure, je râle, je suis en retard ! Café avalé, dents brossées, mal coiffée. Je mets bébé dans l’auto, Leo, cartable sur le dos, Léa crie. Un feu vert, un autre feu vert, quelle chance ! Un piéton hurle, un klaxon de vélo, un frein crisse, je jette bébé à la crèche. Léa crie, arrête ! Tétine dans la bouche, doudou, bisous sur la joue, à ce soir Léa ! La cloche sonne, on est à temps, grille ouverte, travaille bien Léo ! Mission accomplie.

Etape 2, 8 heures, parking complet, sous-sol N-2, ascenseur, bureau, ouf, à l’heure. La porte claque, c’est le chef. Il crie, salle 7 tout de suite ! Alerte. En rouge, écrit en gras, police 18. Tout le monde sur le pont ! Retour dans une heure ! je cours, elle court, nous courons, le couloir est étroit. Pas de pause, pas le temps. Salut ! tu vas bien ? Pas de réponse, tout fuit. L’air pue, Paul tousse, Jacques s’en va. C’est l’hiver, déjà la nuit ! Où sont les clés ? Perdues dans mon sac. Dans ma poche. Contact. 2 rues, en bas, à gauche, à droite, en panne. Allo Chéri ? recontact, moteur OK, Créche, Ecole, Nounou. Bain, devoir, Léa Crie. J’ai faim ! Soupe et au lit. Câlin, gros câlins. Tendres, langoureux, délicieux. Silence…

Indubitablement, nous nous blottissons dans notre parallélépipède de rondeur gorgé de chaleur mêlant nos odeurs aux parfums exhalant des couvertures fraichement délaissées. L’obscurité camouffle, maquille ma fatigue extravagante, in-circonstancielle. L’embrasement me surprend, l’enlacement se voudrait précipitamment.

Non, pas tout de suite, attend ! Bébé pleure ! Léa crie ! La porte claque ! trop tard…fin

Le sommeil engouffre lascivement nos cauchemars et possiblement nos espérances, respirant spéculations et phantasmes. Bercée d’illusions et de déceptions, l’inspiration crépusculaire aspire à une journée nouvellement nocturne et ré-assainissante. L’énergie thermodynamique de mon anatomie imparfaite transpire, libérant véhémence et persévérance à d’autres émancipations indéterminées, autorisant une certaine délivrance. L’affranchissement anticonstitutionnel, contradictoire, déraisonnablement délectable, confortable, inconvenable. Accouplement de contentement et de béatitude, mon empennage pantagruélique se développe dans l’atmosphère sans dioxyde carboxylique, ramifiant mes espoirs confondus, empoisonnant passivement les excroissances de mon encéphalogramme qui s’étire courbaturé, asthéniquement. Le ‘vidangement’ déverse sa ‘poissitude’. La majestuosité des oiseaux de mon paradis chantonnent leurs gazouillements matinaux, …

J’ouvre un œil, l’aiguille indique 9h45, aujourd’hui c’est dimanche.

Mon corps et mon esprit m’appartiennent à nouveau après cette semaine difficile. Je suis à nouveau moi, la mère heureuse de mes enfants, la femme aimante de mon mari, l’ingénieuse accomplie, la sportive du dimanche. Une belle journée pour combler le trop des jours passés en une douce bienveillance. Je rirais, je pleurerais peut-être mais bien vivante dans la chaire qui me sied si bien. Mon costume, repassé droitement dans l’armoire, attendra Lundi que sonne 6h.