mercredi 10 août 2022

Monsieur vous m’entendez ?

 J’étais ce matin au volant de ma voiture et je roulais en direction de mon travail alors

que la rue était déserte… Je suis tout à coup dépassé par une voiture avec une

sirène qui me coupe la route et s’arrête brusquement devant moi. Des hommes en

blouses blanches en sortent et viennent rapidement vers moi.

Je vais devoir les suivre car selon eux le café que j’ai bu ce matin au bar était

composé de grains frelatés qui peuvent entraîner un arrêt du cœur. Ils doivent me

récupérer et m’emmener dans un hôpital pour y être examiné de toute urgence.

Mon cœur, parait-il, peut s’arrêter de battre à tout moment.

Le film de mon étape matutinale dans le bar me revient alors à l’esprit. Tout semblait

normal dans ce petit arrêt que je respecte chaque matin. Le patron Gaston avait sa

bonne humeur joviale habituelle et les clients étaient tous des habitués qui comme

moi ont leur place réservée dans ce petit troquet de l’Estaque.

Alors que je suis allongé dans ce convoi qui a repris sa route toute sirène dehors, je

repense à cet épisode de mon enfance où je m’étais cassé la jambe dans un saut un

peu trop « périlleux » en cours de gym. L’ambulance qui m’emmenait à l’hôpital

retentissait de la même sonnerie stridente accompagnant une course de vitesse où le

chauffeur prenait toutes les autorisations pour rouler sur la voie opposée en contre-

sens. Mon cœur palpitait très fort… alors qu’aujourd’hui dans ce véhicule je me sens

physiquement très calme, comme si je m’éloignais de ma vie habituelle…

Ce ressenti contrasté avec cet élément de mon enfance me fait penser à ma récente

déconvenue en découvrant qu’on m’avait caché les conséquences possibles d’un mal

dont je souffrais depuis quelques mois : une légère surdité n’ayant apparemment

aucune origine physique. Selon le médecin consulté, seule mon imagination pouvait

être à l’origine de ce symptôme et pouvait s’expliquer par une perte de repères.

Alors que je me suis un peu assoupi dans ce camion qui n’en finit pas de rouler, les

personnes présentes autour de moi semblent prises d’une nouvelle fébrilité et je

perçois des bribes de conversation qui laissent entendre que mon cœur s’est arrêté

de battre. Tout cela ne m’inquiète pas car de mon côté je me sens très calme et tous

ces soignants me paraissent bien stressés !

L’un des infirmiers s’adresse à moi maintenant en me disant : « Monsieur vous

m’entendez ? ». J’ai les yeux bien ouverts, je le vois et l’entends mais aucun son ne

sort de ma bouche. Je ressens une complète immobilité de tout mon corps.


Que se passe-t-il donc dans cet habitacle où je suis entré dans un état qui était alors

des plus normal ? J’ai l’impression d’être victime d’une machination, d’une action

intentée à mon encontre pour me placer dans un état de légume…

J’ai perdu conscience pendant ce qui m’a paru durer quelques secondes et je me

retrouve maintenant dans une salle qui semble être celle d’un hôpital.

Mon « réveil » est des plus difficiles. Je me retrouve attaché sur un lit et je crie

« Détachez-moi, je vais très bien ! » … sans effet sur les personnes qui m’entourent.

Après quelques minutes d’agitation, je sens que je me calme peu à peu. Quelqu’un

me relève alors la tête pour me faire boire une potion accompagnée de deux gélules

à avaler.

Peu à peu, je réalise que j’ai dû faire une rechute, me retrouvant à nouveau dans un

hôpital psychiatrique en lutte avec mes visions schizophréniques. Pour moi, la vie

reste un éternel recommencement…

dimanche 7 août 2022

Des bestioles dans les jambes

J'ai des petites contrariétés dans les jambes. Cela m'arrive surtout quand je suis allongée. C’est comme des picotements. Finalement, je les aime bien ces grésillements dans mes mollets. Ils m'accompagnent même dans mon endormissement.

Ce soir, ils sont particulièrement présents, en lieu et place de fourmis, on dirait des mille-pattes tellement ils fourmillent. J'ai envie de me gratter mais je résiste, je tapote ma jambe gauche contre les bords du sommier. J'ai l'impression de les écraser. Ça m'a fait du bien. Je suis dans un pseudo sommeil, trop enkylosée sous mes draps à fleurs pour poser ma main et voir s'il y a des invertébrés dans mon lit. Le sommeil a toujours était un sacrement pour moi. Trouver un moyen de dormir, un petit rituel de nuit comme pour les bébés. Mettre une musique douce ou une symphonie ou des préludes pour apaiser les sens. Et quand je suis courageuse je peux prendre un livre et reposer mes yeux et ma concentration sur des lignes de caractères noirs qui souvent se résument à une succession de mots auxquels mon cerveau ne donne aucun sens. On dirait une petite ligne de fourmis noires. 

Si je n'ai ni livres ni musique de nuit, j'ai comme un élan de panique, de trou-noir dans lequel mes jambes s'engouffrent et me font tomber sans filets, sans point d'accroche.

Petite fille j'avais vécu ce sentiment soudain de disparition alors que je marchais sur le trottoir à un mètre de ma maman, car maman était très prudente avec moi. C'est alors que tout mon poids du corps céda sous une plaque d'égout. J'avais littéralement disparu. Le vide sous mes pieds, la pesanteur, le noir, la disparition de maman et l'apparition de sangsues qui s'étaient collées à mes jambes comme autant de ventouses pour me retenir engluée dans ces eaux noires. Maman avait cru à un coup monté de mon père qui connaissait très bien les égouts de Paris, pour travailler dans les catacombes et avec qui elle était en froid pour des histoires d'adultes que je ne comprenais pas alors. Moi, j’aimais trop ma maman, alors que mon père s'en aille cela m’arrangeait bien. J'avais ma maman pour moi toute seule ; D'ailleurs je n'ai plus eu de nouvelles de lui depuis. Maman avait tellement eu peur qu'on avait déménagé en Andalousie, là où les chaleurs tropicales font rage. Enfin jamais, sauf qu'il y a 3 jours, je suis allée me promener à Los Arcornocale, une des dernières jungles tropicales d'Europe. Quand j'ai cru le voir parmi les employés du parc.

Mon père possède une caractéristique physique unique : sa peau porte des scaries marron noires comme des écailles sur les avant-bras et les mollets. Je suis sûr que c'était lui.

ça me gratte encore, ça ce n'est plus des picotements, mais bien des démangeaisons je ne devrais pourtant pas avoir de problèmes d'endormissement dans cette chambre qui sent le frais, la menthe et l'oranger. Mamie a mis des moustiquaires à toutes les fenêtres, de fait les odeurs du verger et de la garrigue emplissent la maison.

Ma chambre donne côté nord, avec deux pans de murs souterrains, j'ai le frais de la terre et les effluves du dehors. Ah ! ces jambes ! Elles vont me laisser tranquille ! J'ai vraiment besoin de dormir. C'est insoutenable. Qu'est ce qui m'arrive ? Je tape encore contre le bois du lit. J’aurais vraiment des bestioles sur les jambes ? J'ai l'impression de revivre le supplice des sangsues ! Dor- mir, dor-mir. Allez ma main ankylosée, allez ! il faut en avoir le coeur net. Je me contorsionne sous les draps et passe une main sur ma jambe. C'est quoi ce truc ? rugueux ! poisseux ! Vite ! allumer la lumière ! Interrupteur ! ces interrupteurs à l'ancienne qui grésillent quand on les actionne. Une masse noire se déplace soudain derrière le rideau de la chambre. Un mirage ? Je rêve ? Y-a-t-il quelqu'un ? C'est quoi ? c'est qui ? Je m'assieds sur le lit, un drap fleuri et printanier laisse dépasser une jambe noire et irritée. Je n’ose découvrir mon autre jambe que j'ai épargné de coups dans le coin du lit. Un détail sur le dans le mur de la chambre attire mon regard. Un trou, une galerie souterraine d’où défilent des cancrelats, des araignées et des blattes, droit dans mon lit. Je hurle à la mort ce qui fait vibrer et osciller la ligne d'insectes noires, je soulève déterminée mes draps et mon autre jambe fourmille de ces bestioles. J'écrase le tout sous couvert de fleurs, de roses et de bleuets qui se tachent de noir comme quand j'étais petite et que j'étêtais les parterres de fleurs du jardin à l'aide d'un bâton. Ça faisait crier maman et rire papa. Encouragé par tant de réaction, je m'employais à piétiner les fleurs qui se coloraient de terre. Je visais aussi les escargots et les fourmis selon la saison. Me voilà donc à reproduire ces épisodes sans que personne ne soit là pour s'affoler. Je me lève et tire le rideau. Papa n'est évidemment pas là. Quant à maman c'est encore la veillée funèbre dans sa chambre.

J’enfile mes coulants opaques qui cachent cette caractéristique physique que maman a toujours eu en horreur car elles lui rappelaient trop papa. J'apprendrai plus tard que maman avait manigancé ma chute dans les égouts pour justifier l'état de mes jambes. Depuis la mort de maman, papas n'a jamais voulu me revoir.

samedi 6 août 2022

Une famille quelconque

Une famille quelconque heureuse d'être britannique et qui pense que le monde, tourne autour de la perfide Albion. Consommateurs parfaits, apte à vivre de croyances impériales et d'un cérémonial commercial, certifié d'un décorum british usuel, donnant à leur conscience suffisante, la manifestation de leur toute puissance.

Sur des mots de Laurence

J’observe cette grande pièce nue du Palais des Congrès dans laquelle ne subsistent plus que les deux chaises où avaient eu lieu les premiers interrogatoires des suspects dans cette affaire…

Il s’agissait à l’origine d’organiser des jeux stupides en réunion où les participants choisissaient tour à tour une personne présente pour y jouer le rôle du souffre-douleur ou du bouffon, selon un tirage au sort préalable…

Cela avait mal tourné. Un grand manitou à la tête de nain de jardin avait proposé une danse nuptiale et une femme avait été désignée pour être la victime expiatoire du groupe. Cette femme, véritable diamant noir, était accusée d’être à l’origine de cette odeur poisseuse comme un vermouth renversé. Dès le début de la danse, le charme de la belle opéra, puis tout à coup le son de la détonation fut aussi bref et la jeune femme s’écroula comme victime d’une attaque. Le groupe s’assura très vite que le cœur de la femme avait cessé de battre. Les pompiers arrivés très vite ne purent que constater le décès. La police, elle, entama l’enquête au sujet de cette mort bien mystérieuse.

Sur des mots de Magali

Il est là passif, à ravaler la souffrance de la rupture, lui ai-je fait peur ? quand il l’avait vue avec cet inconnu au parc, il n’avait pas pu se contrôler. Elle aimait fumer dans l’herbe, lui aussi. Il avait frappé le sol avec sa canne en bois. Paf ! Traitresse ! De la musique lui sifflait dans les oreilles. Une musique de western, une musique de vengeance. Paf !  Lui ai-je fait peur ? Elle a l’air surprise, elle siffle un air de saloon. Paf ! Lui ai-je fait peur ? Elle recule, se contorsionne, prend l’allure d’un python royal, les yeux hypnotiques. Cette femme aime se transformer. Elle ondule et se réfugie dans un buisson du parc. Lui ai-je fait peur ? Paf ! Elle s’en moque et rit.


Homme seul dans la pénombre (vu par Laurence)

Il était là dans la pénombre. Puissant, intense, un diamant noir. Un regard hypnotique, une fine bouche sensuelle et énigmatique. Oh le bel ourlet sous la barbe épaisse. Je me cache pour ne pas qu’il me voit, j’ai une folle envie de l’étreindre, de l’embrasser, de respirer tout son être. Même cette odeur poisseuse, comme un vermouth renversé, un bidon d’essence prêt à flamber, ne fait que réveiller mes sens.

Mon tendre et cher, serait-il un assassin ?

J’ai bien vu, qu’il observait en retrait le duo à plumes qui s’accouplait, dans une danse nuptiale. Deux gros oiseaux blancs au long duvet, à l’envergure identique. Deux siamois, deux albatros qui s’entrelacent. Son œil pétillait en les voyant. J’ai ramassé au sol des lunettes infrarouges. Comme il était excitant de le voir sous des traits bleutés, qui dessinaient sur son visage une expression toute nouvelle pour moi ; celle de la satisfaction de celui qui s’apprête à faire, celle de l’extase avant l’action, celle de l’excitation retenue pour assurer la beauté de geste. Qu’allait-il faire mon bien aimé Ah !

Le son de la détonation fut aussi bref que le frottement du phosphore de l’allumette sur son grattoir. Les deux volatiles s’enflamment dans un feu d’artifice chorégraphié et symétrique.

Homme seul dans la pénombre

Entrant dans cette salle, je suis frappé par l’obscurité qui y règne et la présence de cet homme entre deux âges apparaissant dans un clair-obscur, bien isolé. Son visage à moitié éclairé semble baigner dans le mystère.

Seul, avec cette présence à quelques mètres, je suis assailli par le doute car cela ne correspond pas à la réunion que j’étais censé rejoindre en cette soirée d’avril pour y réaliser des photos pour un casting… Par réflexe, je prends une photo de ce personnage qui semble autant surpris que moi, puis bredouille quelques mots d’excuse et referme rapidement la porte derrière moi.

Puis, une fois séparé de lui, j’essaie de calmer en moi une forme de peur qui m’a saisi dans ce huis clos. Il y régnait outre cette obscurité une forte humidité accompagnée d’une odeur fétide que j’ai interprétée comme l’arrivée d’un évènement insolite ayant pu provoquer une forme d’absence chez cet être semblant venu de nulle part.

Mon cerveau se met alors à imaginer différents scénarios ayant pu aboutir à cette présence. Peut-être cet homme est-il venu pour faire un constat sur un incident domestique survenu dans le bâtiment comme une fuite d’eau par exemple… Mais cela pourrait bien être un évènement plus grave comme une bagarre ayant mal tourné… La peur ressentie face à son expression de surprise ne m’a pas permis d’en savoir plus en essayant d’échanger avec lui.

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Pour en voir le cœur net, je décide de revenir dans la pièce et j’ai alors la surprise d’apercevoir au fond de la salle maintenant éclairée deux êtres entre clowns et poètes qui semblent répéter des exercices d’acrobaties sous un échafaudage. Le tableau est magnifique et l’homme aperçu précédemment a disparu. Je reste bouche bée en admiration devant cette scène de joie légère et d’envol vers un ailleurs. Je ne peux m’empêcher d’assister à ce spectacle qu’ils jouent tous deux comme des personnages de cirque en pleine harmonie.

Quel peut être le lien avec la scène d’origine de cet homme seul ? Peut-être est-ce tout simplement le metteur en scène sur le point d’assister à cette répétition en costumes pour bien percevoir le rendu de cette scène dans son spectacle.

Balayant d’un regard rapide l’ensemble de la pièce, je devine dans un coin dans la pénombre une présence silencieuse qui semble conforter mon interprétation. Il ne me reste plus qu’à profiter du spectacle et attendre la fin pour en savoir plus…


Festival Off

Avignon, théâtre du jour. Je suis accueilli par le doute. Est-ce du Molière ou du Racine ? Je suspend mon jugement.
Les exercices d'acrobaties stylistiques ont d'antiques traditions. Je donne dans une cour sans miracle. Trop d'oracles ont péroré, prendre au sérieux une prédiction, est une ineptie d'empire. Le monde qui vient est vieux.

La salle de classe

Ouah, quel contraste dans cette salle ! L’intervenante y fait un exposé sur le Royaume d’Islande et ses curieuses habitudes en matière de sexualité dans les hautes sphères de la Cour au siècle dernier. Cette belle femme d‘âge mûr brandit un grand compas en plastique comme pour illustrer son angle de vue particulier sur ce sujet scabreux.

En bon paparazzi, je la prends en photo dans cette position à la fois imposante mais assortie pourtant d’un regard désespéré face à l’attitude de son auditoire. En effet, à l’autre bout de la pièce, ces derniers réunis en groupe se marrent en prenant pour certains des photos au flash, comme pour garder un souvenir de cet instant délicieux.

Rient-ils de la conférencière semblant se prendre au sérieux ou profitent-ils pour étaler leur joie suite à des échanges scabreux entre eux ? J’en arrive à penser que le sujet exposé a fait naître chez eux des souvenirs qui semblent aller bien au-delà des aventures de la couronne d’Islande.

Bernard

Le Bouffon du Roi

Stupeur ! Pris en défaut ! C’est qui ces deux abrutis ! Et qu’est-ce qu’il fout à poil ce connard ? Deux têtes de buses, à mon avis c’est un jeu stupide. Il y en a un qui est plus connard que l’autre et qui se fait mener par le bout du poil du cul, qu’il a épais.

Un Président et son souffre-douleur, son bouffon, son fou du roi. La pièce est imprégnée d’odeur corporelle de bites, de poils, de pets, de transpiration musquée. Un air d’euphorie et d’emprise aussi. Ils ont dû pousser le bouchon jusqu’au fond de l’anus, voir si l’autre pignouffe se défroquerait. Le pseudo-président avait trop une gueule de benêt pour être capable d’imaginer un jeu pervers, juste l’humiliation de le mettre tout nu lui suffisait. Un Ministre et son alternant ? ça peut aller jusque-là, la politique. C’est une soif de pouvoir, une soif de lèche-les-bottes crottées d’une merde molle et collante de l’autre, quoiqu’il avait l’air dégoûté l’autre pignouffe, larbin de mes deux, d’être à oilpé.

Mais je crois me souvenir avoir vu un autre type en arrière-plan. Je ferme les yeux et je me concentre, c’est bien un gars portant un bonnet rouge et un livre à la main que j’ai vu. Le grand Manitou à la tête de nain de jardin ! Un jeu à trois. Les politiques, ça a toujours un marionnettiste dans le dos. Ça se voyait bien qu’il n’y avait aucune connivence sexuelle entre le costumé et l’enculé de déculotté. Un remake de la Révolution ? Bonnet frégien, sans-culotte, noble à la redingote et au verbe haut. L’autre gueule de Cousteau qui tient les manettes du Politicien. Le manipulateur manipulé ; l’arroseur-arrosé. Donc, le politicien s’adonnait aux plaisirs sadiques d’asservir son fieffé humilié alors que lui-même était sur commande. Voilà ce que j’ai vu.