jeudi 21 décembre 2023

Château à ne pas déranger

 Il est une fois, dans un château boisé, un fantôme invisible. Le château hanté est dérangé par des visites. Et la nuit est propice aux noctambules. Il pleut souvent. Le château abandonné plaît aux intrus. Ils s'aventurent de pièces en pièces, en faisant n'importe quoi. Soudain, un oiseau rabougri, sorti de nul part, arrive ici. Les visiteurs alcoolisés le remarquent à peine. Ils sont autour d'une table aimable, chose rare dans un château. Le vent souffle dehors. Le fantôme souffle un peu, lui aussi dehors. Il laisse les visiteurs dans le château, avec un oiseau presque invisible. La troupe en mal de vivre, s’écroule autour de la table, plus mort qu'ivre. Au matin, le monde dégage, plein d'affolement. L'oiseau ayant, durant leur sommeil, gober leurs yeux. Le fantôme regagne ses pénates, puis l'oiseau sa forêt. Et cette légende ce blog.

VINCENT LAUGIER

jeudi 14 décembre 2023

Un automne monochrome

C’est un paradoxe que d’évoquer un automne monochrome !

Le craquement sous mes pas d’un tapis de feuilles mortes en ce dimanche pluvieux me ramène à ma nostalgie naturelle.

Je préfère évoquer l’humus et les champignons qui deviennent en cette saison un véritable marronnier !

Une feuille de chêne vert

C’est une feuille de chêne vert, âgée, remplie de petites tâches brunâtres comme des tâches de rouille, usée, marquée par le temps. Les petites dents de son contour ont perdu leur régularité arrondie pour se retrouver très décrépites. Il n’en reste presque plus que le squelette décharné, une ombre étrange et inquiète, son fantôme…

Cette feuille m’évoque le temps qui passe, l’usure du temps sur les choses et les êtres, le corps qui perd de sa superbe pour ressentir peu à peu des douleurs chroniques et les marques du temps. Pourtant, ce corps reste debout face à cette déchéance progressive qui peu à peu s’abat sur lui. Finalement, l’apparence est modifiée, les sensations ressenties sont parfois douloureuses, mais l’âme se veut volontaire dans l’adversité.

Elle est magnifique cette frêle feuille usée par le temps. Malgré les évènements vécus, elle conserve son axe, sa fierté, sa beauté intérieure. Elle semble avec ses nombreuses cicatrices raconter une belle histoire, celle d’une jeune feuille qui a poussé dans la joie de la jeunesse et a vécu au milieu de ses sœurs de belles périodes au printemps, puis dans la chaleur agréable et partagée d’un été luxuriant. Ses beaux souvenirs lui permettent d’aborder la période actuelle de l’automne avec une grande force et la confiance en l’avenir.

A l’image de cette feuille, le corps d’un être qui vieillit, malgré les sensations pénibles qui l’habitent, sait trouver des raisons de rester droit. La créativité de l’esprit qui l’anime est infinie, en capacité de trouver de nouvelles occupations et des joies pour accéder à un échelon nouveau de la vie. C’est dans cette quête pleine d’intérêt que réside le sens de la vie à venir, celle qui se poursuit et se transforme.

Cette feuille dont l’âme a survécu imagine une nouvelle vie, une vie qui repartirait à rebours pour que les choses soient vécues en sens inverse. Cette idée n’est pas moins que d’imaginer le retour aux sources pour vivre une nouvelle vie.

C’est un programme bien élevé pour une feuille dans cet état de décrépitude mais ce n’en est pas moins une mission exaltante que de remettre en question son existence de feuille elle-même pour faire l’expérience d’une nouvelle vie à venir… pourquoi pas celle d’un champignon tel qu’elle en a vu quelques dizaines dans sa vie de feuille.

L’idée de terminer peu à peu sa vie actuelle pour renaître et vivre autre chose, par quel chemin y parvenir ? Être capable de se renouveler sans cesse ou accéder à un niveau de vie spirituelle nous permettant de croire à quelque chose de nouveau, à une suite. Un beau programme sans doute, mais difficile à imaginer… ce qui n’empêche pas de continuer à chercher !