mardi 23 janvier 2024

L'Oiseau Borgne

Il pleut encore. La météo annonce encore des intermittences nuage/pluie et ça fait des mois et des mois que ça dure. La végétation ne cesse de pousser, les arbres sont plus grands que des séquoias, les fleurs ressemblent à des arbres, les haricots ont la taille de lianes qui grimpent jusqu'au ciel, les champignons sont de vraies maisons et moi oiseau géant qui vole bas, je ne grandis pas et je n'ai plus de place entre les arbres, je n'ai plus de plaine lisse et je n'ai plus de montagne pelée. Je suis là debout sur le sol herbeux, qui me mets des doigts dans l'oeil. Je suis l'oiseau borgne à grandes ailes fermées, qui vis abrité sous l'amanite tue-mouche. La seule qui me protège contre les insectes devenus énormes tellement ils se gavent de vermisseau pullulant dans cette terre fertile. Je râle je me lamente jour et nuit. 

L'oiseau Borgne a l'œil qui pleure, quand tout à coup deux yeux énigmatiques, montés sur deux monticules à billes apparaissent. Deux yeux c'est bien sa veine ! Moi qui ne vois que d'un œil, je m'approche pour en piquer un du bec. L'œil se rétracte et une langue sortie de nulle part vient s'enrouler autour de moi.

Hé ! Laisse mes orbites tranquilles ! Je suis le caméléon et j'habite cette terre Luxuriante, qui me nourrit de ses merveilles. Qui es tu pour venir me voler mon œil ?

Je suis Oiseau Géant qui vole bas et je ne peux plus voler depuis le déluge/soleil, qui fait tout pousser, moi aussi je me régale mais j'ai pris trop de poids et ne peux plus faire d'exercices, dis-moi, quand la terre cessera de pousser ? Quand les feuilles tomberont des arbres et que les herbes sécheront que je puisse voler de nouveau ? 

Le caméléon sortit du décor champignon rouge à pois blanc, terre rouille et tronc persistant. Le voilà arc-en-ciel annonçant une accalmie.

Pour le savoir cherche la boîte des vérités. Elle se trouve au sommet de la montagne.

Impossible. Comment pourrais-je monter tout là-haut ? Vas-y pour moi s'il te plaît !

Moi ! Je ne veux pas savoir, je suis trop heureux de cette nature. Regarde mon bidon rebondi et mes joies bien remplies.  

C'est alors que le caméléon disparut dans le décor. Cette fois-ci, il a bien pris soin de fermer les yeux.

Oiseau géant tournait sur lui-même. Bien encombré par ses grandes ailes et sa panse bedonnante. Comment allait-il pouvoir monter là-haut ?  Il continue à faire les 100. Et pendant des jours et des jours, il ne mangeait plus et tournait en rond à la recherche d'une solution. La pluie tombait. Le soleil brillait. La pluie tombait. Le soleil brillait. Et lui tournait, réfléchissait, oubliait de manger. Et au bout d'un mois, Oiseau Géant était devenu tout malingre, les boyaux à secs, avec un corps d'athlète. 

Quand il vit un œil s'ouvrir au loin. Le caméléon ! Il se précipita pour lui prendre son œil et fut plus vite qu'il ne pensait sur son ami qui s'était écarté à temps. Un autre œil au loin s'ouvrit. Oiseau sauta à nouveau et fit un pas de géant. Un autre encore et il déploya ses ailes et il se sentit si léger qu'il se laissa emporté par sa course au caméléon, qu'il parvint à slalomer entre les arbres. Ne voyant que d'un œil, il s'était mis en biais et sa grande envergure put passer entres les champignons maisons, les troncs persistants, les fleurs de la taille des arbres et il s'envola jusqu'à la cime, jusqu'à la montagne pour atteindre la boîte enchantée. L'air est frais en haut et la vue est belle sur toute cette verdure et ces fleurs colorées. Il fit coucou à tous les jacques sur leur haricot magique. 

Il atterrit sur la montagne. Il ouvrit la boîte. Et il vit l'orage, le déluge, les arbres attachés, les plantes couchées, les champignons déchiquetés, et plein d'oiseaux géants comme lui volaient bas à la recherche d'un abri pour lutter contre les vents volants, contre les tempêtes de sable. Mais oui ! C'était le temps d'avant ! Je me rappelle j'avais appris à voler bas pour profiter des courants chauds et me remplir le gosier. Je me rappelle oui ! C'était avant quand les fumées brûlaient l'oxygène et que le forage appauvrissait le sol. Oui, oui, je me souviens. Je suis le grand oiseau qui s'est adapté. Alors il referma la boîte et redescendit dans sa forêt et cessa de se plaindre à jamais. 

lundi 22 janvier 2024

Conte Chasseur d'enfants

Arthur est un personnage maléfique. Son activité principale depuis son adolescence est la chasse d’enfants. Il hante les parcs des villes pour y trouver des enfants, filles ou garçons, pour les enlever et les retenir prisonniers afin de jouer avec eux dans son grand manoir situé hors de la ville.

Il est parti ce matin-là accomplir sa besogne habituelle avec un peu plus de lassitude qu’à l’accoutumée. Il commence à ressentir que son désir d’enfants nouveaux pour des jeux toujours différents et ingénieux commence à s’émousser.

Il a rencontré une petite fille d’environ six ans qui semble avoir échappé à la surveillance de sa mère. Il en profite pour lui proposer des bonbons et lui promettre une magnifique poupée. Elle sourit, pleine d’entrain face à cette nouveauté qui la rend enthousiaste. Il lui propose de la prendre sur son dos pour aller plus vite et part se cacher avec elle derrière un bouquet d’arbres.

Il y trouve une table de salon en bois ancien sur laquelle il dépose la petite fille. Aussitôt il se retrouve pétrifié face à un gros pou de la taille d’un chat qui apparait et lui lance : « Dis Arthur, tu n’en as pas encore marre ? Que comptes- tu faire de cette petite ?».

Surpris, il a peine à articuler : 

Ben, je comptai l’amener avec moi jouer dans mon manoir, en compagnie d’autres enfants.

Et quels jeux vas-tu encore inventer cette fois, celui d’enfants auxquels tu distribues des gages ou bien celui d’un jeu plus personnel ? 

Mais non, rien de tout cela, je leur distribue un goûter et ils s’amusent entre eux sous ma bienveillante surveillance.

Cette fois, c’est nous qui allons jouer avec toi » lui dit le pou et il demande à la petite fille à quel jeu elle aimerait jouer ?

Celle-ci semble fascinée par cette bête inconnue qui parle et profite de cette occasion pour proposer son jeu favori qui consiste à tirer les cheveux de ses compagnons pour les entendre crier et leur courir après. Encouragée par cet animal étonnant, elle s’enhardit pour tenter l’expérience sur plus grand qu’elle.

Arthur, toujours dans sa position d’hébétude, se retrouve comme par magie allongé sur la table et la petite fille commence à lui tirer les cheveux sans qu’il puisse faire un seul geste de défense ni sortir un cri de sa bouche. Sa grande souffrance est toute intérieure et il voit passer à vitesse accélérée toutes les persécutions, petites ou très grandes auxquelles il s’est livré sur les enfants dans sa vie passée. Et il se met à pleurer…

Le pou lui dit alors : 

Ça y est, cette fois tu ressens quelque chose de nouveau dans le jeu, maintenant que tu es passé de l’autre côté ?

Arthur est en incapacité de répondre, il parvient juste à sourire à la petite fille et à lui dire avec une douceur nouvelle :

Va petite fille, la poupée que je t’ai proposée n’existe pas et les jeux auxquels je pensais ne sont pas très bons pour les enfants comme toi. Va rejoindre ta maman dans le parc qui doit te chercher et se faire du souci pour toi.

Le pou, après un grand sourire en direction de la petite puis d’Arthur, retrouve une taille normale et laisse ce dernier raccompagner du regard la petite qui est partie retrouver sa mère.