vendredi 24 décembre 2021

Fragmentée

Remplie. Une membrane invisible qui comble les espaces vides. La gorge, l’estomac, la nuque, l’oreille, le dos, entre les omoplates, entre les cotes, dans la cage thoracique, toutes mes artères, tous mes boyaux. Le plein, le complet, le tout. Ancrée, vissée dans la terre. Je ris.

Fragment

J’ai choisi le silence, il s’est imposé à moi. Une retraite en pleine nature. Un nuage ouaté surmonté d’un ange doré. Il a saupoudré l’espace autour de l’abbaye. J’étais dessous. Chut ! Pas un mot ne sort. Juste une enveloppe qui se pose sur moi, qui remplit mon corps, et me tient au chaud. Je suis bien. Je choisis le silence. J’ai fait le vœu absolu.

Fragment 1

Remplie. Une membrane invisible qui comble les espaces vides. La gorge, l’estomac, la nuque, l’oreille, le dos, entre les omoplates, entre les cotes, dans la cage thoracique, toutes mes artères, tous mes boyaux. Le plein, le complet, le tout. Ancrée, vissée dans la terre. Je ris.

Fragment 3

Un homme qui dort par terre. On se regarde. Je lui tends un billet et le lien se fait. Ici le cœur jaillit de lumière, un rayon de lumière se connecte à l'autre. Il ne fait qu'un. L'inconnu et moi-même. Plus rien ne compte que l'osmose immédiate. Le bonheur réciproque, la Bonté qui sourde en nous. 

Fragment 2

Je joue, je chante, je sens la bascule dans l'autre monde. Le monde de ma bulle, où le temps n'a pas de prise, où les gens autour ne sont que des ectoplasmes vaporeux et insaisissable. C'est moi et moi. Même si l'instant ne dure qu'un millième de seconde, je suis rentrée dans l'autre monde et je veux y retourner. Je fais glisser mes doigts sur le clavier, je l'effleure et je joue. 

Fragment 4

 J'ai senti la grâce. Grâce à toi. Ô mon Dieu, je n'ai plus peur. Je vibre devant la beauté du monde, l'éclat de la nature. Le reflet du soleil sur la verdure. Un trèfle. Le pétale délicat et tendre m'émeut. J'ai l'impression de le voir respirer. J'accède à un espace-temps de plénitude et d'allégresse, car c'est la joie et la foi qui m'animent.

 

Chaque morceau de peau frémit

Maintenant, il est temps. Ce soir j'ai choisi. Moi aussi j'ai droit à mon plaisir. Allez ! Laisse-toi guider par tes sensations à travers la brume de ton corps endormi. Laisse-toi aller comme si un vent lointain te soufflait des promesses de plaisir exaucé. Laisse-toi enivrer. Laisse aller. Ressens ces douceurs qui t'animent, qui grandissent, qui s’étendent à tout ton corps, des pieds jusqu’à la nuque, vois comme chaque morceau de peau frémit. L’amour en solitaire.

Seras-tu là ?

Seras-tu là ?

Le ciel est rouge. Je l’aperçois au loin. Le vent souffle, je frissonne. Je tourne la tête et je vois des ânes, ils réchauffent mon cœur.

Oui mais, seras-tu là ?

Le ciel est rouge, je l’aperçois au loin…

Réponds-moi, auras-tu le courage d’être là ?

Le vent souffle, je frissonne. Je tourne la tête et…

Tu as peur, n’est-ce pas ?

Je vois des ânes, ils réchauffent mon cœur.

C’est trop facile de s’évader ;

Le ciel est rouge, je l’aperçois loin, le vent souffre

Le vent souffre ?

Le vent souffle, je frissonne

Quelle lâcheté, avoue que tu as mal !

Je détourne la tête et je vois des âmes.

Ça y est, tu commences à y voir clair.

Ils me réchauffent le cœur et je n'ai plus peur. Le ciel est rouge

Ainsi soit-il

Si des âmes réchauffent ton cœur, tu seras là !


Ô clair de Lune

Tout ce qui n’est pas cette Lune, ce garçon, cette rivière, ce pont, n’existe plus.

On dirait que les astres ont manigancé un alignement pour créer ce moment qui n’en finit plus d’être là. Monde insaisissable qui ouvre ses portes sur des moments inattendus. Ici le cœur jaillit de lumière. Une lumière vibrante qui m’enveloppe, qui m’enveloppe avec lui. Ô clair de Lune, clapotis de l’eau noire, plus rien ne compte que l’osmose immédiate, vibrante. Le bonheur réciproque, l’amour qui sourde de nous. Je le savoure avec reconnaissance, conscient qu’il n’y aura pas deux comme lui. Tout ce qui n’est pas cette lune, ce garçon, ce pont, cette rivière n’existe plus, quand je suis loin de lui.

 

Je descends dans la crypte

18 Décembre, Solstice d’hiver. Dans l’abbaye, à travers le vitrail central, un afflux de lumière l’inonde. Le soleil vient et chauffe. La nuit est immense et sombre. Je me rappelle qu’il y a 20 ans, nous nous étions rencontrés ici. Un véritable coup de foudre amoureux. Nous aimions tous les deux les chants de Noël dans les églises. Je pense à toi aujourd’hui, tu es parti, il y a presque deux ans. La flamme de la vie est revenue aujourd’hui. Je suis sortie du long tunnel froid et sombre. Je me promène dans les allées, je descends dans la crypte peu éclairée. Je n’ai plus peur.

Fragment 1

 Je cours dans le jardin, il fait beau, l’air sent bon, je joue avec Guy et je m’arrête en pleine course. Je décide de toujours me rappeler de cet instant, les narines ouvertes et les yeux agrandis face au soleil, j’ancre ce moment en moi-même.

 

Fragment 2

Moments d’enfance d’avant toute la complexité du monde. C’était un concentré de jolies choses, accoudée à la fenêtre, j’étais émerveillée. Le chemin du village s’élançait vers la montagne sous la lueur douce d’un lampadaire. La neige épaisse reflétait les rayons de lune, c’était aussi magique que magnifique, un moment parfait, poétique et plein. J’ai eu envie de pleurer.

 

un énorme vadérétroce

Un soir, alors que le mistral sifflait à travers les persiennes, l’une d’elles s’arracha et me fit sursauter de peur. Je couru à la fenêtre et vis un énorme vadérétroce qui s’était posé sur mon balcon. Le ciel noir en était rempli, ils volaient par centaines et vociféraient des cris stridents. Ils approchaient tel un nuage et se dirigeaient droit sur mon balcon. Mon cœur battait à mille à l’heure et je courus me mettre à l’abri sous ma moutoune, si douce et enveloppante. J’appelais en hurlant, mon Chachauve que j’avais recueilli dernièrement, il était d’origine égyptienne et se les pellait tout le temps, comme moi. Ma corneminette, elle, s’était déjà planquée dans le sac à linge. J’entendais les volatiles qui grinçait et donnait des coups de bec sur les carreaux. C’était certain j’allais finir comme un pigeon déplumé, becqueté, écharpé. Soudain les cris affamés et ricaneur se firent plus présents, plus forts. Je pris mon trafufle et écrivis un message d’adieu à ma mère, la fin était proche. Chachauve se faufila entre les draps et compta jusqu’à trois : un, deux, trois, pouf ! Quelques fois, je dois bien l’avouer, j’adore siroter plus que de raison.

C'est l'hiver

 C’est l’hiver et je sens que je ne peux plus mettre le nez dehors, ou alors seulement si j’enfile mon fassochaud et mes moufles. Et jamais la tête mouillée, malheur ! Passage au chaufficide obligatoire. C’est la période de l’année la plus éprouvante pour moi, mon corps est à rude épreuve et c’est d’ailleurs pour cela que je suis venue vivre à Marseille. J’ai mes secrets pour me réchauffer, ceci dit. Une bonne soupe maison, en deux temps trois mouvements les carottes sont passées au peleur, cuites au bouillon et sont avalées dans l’heure.

Au plein cœur de l’hiver, je sors ma dévineuse et me sers un petit verre. Ça coule dans la gorge, c’est doux. J’affectionne aussi le thé, aromatisé. Mon allié, le cipressoir, me permet d’ajouter le jus dans l’eau frémissante. Une fois le repas dégusté, j’utilise un énappeur et hop, tout part au poubelleur, pelures et miettes, citron et feuilles de thé ! Et lorsqu’il me reste quelques pièces dans mon griposous je m’offre une petite douceur, un réconfort, une douce chaleur.

Inconfort

Je lui avais dit que je détestais le froid. Il m’avait répondu tu verras tu aimeras l’or blanc. Evidemment lui, skiait comme un Dieu, pendant que moi, je grelottais dans ma combinaison mouillée. J’avais essayé de prendre le tire-fesses mais je n’avais pas lâcher la perche à temps et j’avais chuté dans la poudreuse. Ma posture était grotesque. Il avait eu la bonté de ne pas rire, contrairement aux skieurs, qui faisaient la queue derrière moi. La luge n’avait pas plus réussi.  Morte de peur, j’avais fini ma cause cul par-dessus tête. Et toujours ce froid humide, collant. Même le vin chaud n’arrivait pas à me réchauffer. J’essayais de continuer à sourire par ne pas lui gâcher son plaisir. Les enfants faisaient un bonhomme. Tout le monde autour de moi avait l’air de s’amuser et d’être heureux. Je pensais que j’aurais pu être au soleil des tropiques sur une plage de sable blanc, dans une eau à 30°. Au lieu de ça, je claquais des dents en fermant les yeux pour échapper à une luminosité trop forte. Le serveur m’apporta un énième vin chaud, je commençais à être un peu ivre, enfin. Peut-être pourrais-je supporter un peu mieux grâce au vin poivré et épicé cette situation pénible. Dire qu’il y avait des gens qui habitaient ici. Je les plaignais de tout mon cœur pour leur drôle de vie.

L'or blanc

Je touche l'or blanc sans ressentir le froid. Je roule une boule sans douleur dans les doigts. Feutrés mes pas se font entendre dans l'immensité du silence enveloppant. Blanc blanc blanc. Seul au milieu du champ, je suis couleur. La blancheur éclatante étonne, scintille et impose le respect.

Cette neige est salvatrice, elle apaise l'agitation. Tout ce monde excité se met au chaud. Les bienveillants eux sortent la remercier. Souple, soyeux, enveloppante. Manteau de nature.

Boudha

Derrière les barreaux, c'est bien le dernier endroit où l'on doit m'imaginer et pourtant cela m'importe peu. Il n'y a pas un seul endroit où il est impossible de méditer. Que des barreaux me séparent du monde extérieur ou pas, quelle différence ? Le monde est en moi et je fais partie du monde à tout moment à tout endroit. Quand les occidentaux comprendront-ils enfin que le corps et la matière ne sont pas seuls sur terre ? Qu'emprisonner le corps n'est pas emprisonner l'esprit ? Et que tuer le corps ne veut pas dire tuer l'esprit. Je sais que mon jour viendra mais ce jour-là je n'aurai pas peur. Je sais aussi que mes cendres seront dispersées sous l'arbre où je méditais et cela suffit à me combler.

L'expulsecrasse

Quand il sortit le libèrgoulot, il se délesta de son allègenez. Il avait rempli tous les débarassetables. « Non, ne les met pas dans l’expulsecrasse », criait Margot, cachée dans son bourrasquechop.


Un mot pour un autre

Trieur des fils, tu défile

Les déshabilleurs de jaunes

Met tes rougetifs en jachère

Et expulse le gras qui encombre

Dégage poids et nous allège

Quand sous tes enjambesmonts

Tu fais autour des tablenettes

Et rougetif expulse les gras.

Jean l'ébouriffeur

Jean l’ébouriffeur part en campagne. Sa besace est remplie de citonettes. Il rit sous cape. Il sait qu’avec ses armes de destruction massive, il va bientôt pulvériser la douce campagne bucolique. Déjà, sous l’effet du soleil couchant, il commence à se transformer. Les autochtones hurlent lorsqu’ils le voient devenir un ordurexcite ricanant. Tous les jaichauds se transforment aussitôt en jaifroids. Ils tremblent de frayeur. Mais un gardesous à bec plat sort de son coffre. Que va-t-il arriver ? Que va-t-il sortir de cette confrontation ?

Besoin d'acheter de la poésie

J'ai cru que j'étais perdue dans le stade de foot. Puis, j'ai soudainement réalisé que j'avais éteint mon cerveau. Je me remplissais alors de tendresse et de beauté. Ça tombe bien, il se trouve que j'avais justement besoin d'acheter de la poésie. C'est un peu ras des pâquerettes mais non dénué d'humour sans en prendre conscience.

Où est passé le farfelu ?

Je regrette éperdument ces moments d'innocence. Libres et insouciants, nous nous régalions à passer des heures à regarder les nuages pour y déceler des figures familières. Sans le savoir vraiment, nous étions ivres de légèreté. Fauves indomptés, âmes ardentes, le temps n'avait pas de limite pour nous. L'infini nous ouvrait ses bras et nous nous y jetions à corps perdus. Il me semble que nous brûlions d'un feu intérieur qui s'est éteint. J'ai envie de crier "Où est passé le farfelu ?" Je pensais être fière de me connaître, aujourd'hui je suis triste de ne plus me surprendre.

Les enfants ont grandi

Les enfants ont grandi, il y a sans doute plus d'humains morts que de vivants sur la Terre. On pourrait dans un rêve éveillé voir la végétation préhistorique infiniment plus luxuriante et colorée que celle d'aujourd'hui; ou alors songer à la noblesse perdue des chevaliers.

C'est peut-être la paresse qui nous pousse à noircir le présent, la flemme de le changer. Ou alors c'est le sentiment de la perte de son pouvoir d'agir, inéluctable pour l'handicapé ou la personne dépendante, on peut ressentir le vertige d'avoir vécu la meilleure partie de sa vie. On observe, depuis la crise sanitaire de façon accrue, la voracité de ce sentiment d'impuissance et de nostalgie chez des jeunes gens. Ils sont déjà assez vieux pour regretter le temps de la cour de récréation, des gâteaux, des vacances, des copains. Ils pensent peut-être que les enfants sont insouciants et qu'ils n'ont même pas besoin de s'inventer quelconque espoir, heureux et béats. Mais l'insouciance n'a jamais existé. Au CP on regrette le temps où l'on prenait le sein. On peut écrire sur ces sentiments, c'est une bonne façon de ne pas leurs laisser toute la place.