mercredi 28 avril 2021

Bidule vert de Vigne Vierge

Il me faudrait une loupe ou une pince à épiler pour tenir ce maigre bidule vert. Tête ronde qui prédomine sur la tige et son collier de bourgeons faux-culs, qui gravitent autour. Un semblant de constellation, une planète et ses satellites mais infiniment petite. Petite verrue sur un doigt de pas-géant vert ou main atrophiée de mini Hulk, pas incroyable, avec des bouts de doigts turgescents.

Si je regarde à l’intérieur de moi, je peux y voir mon utérus avec une trompe normale et une, tellement mal en point, qu’elle s’est rabougrie et dédoublée. Ou mes amygdales qui se serrent quand j’ai du mal à avaler une pilule sans eau. C’est possible que j’ai une glande plus grosse que l’autre. C’est serré, ça étrique, ça tire et retient le liquide, c’est comme un dessèchement intérieur. Tout mon système à boules, glandes, œufs, se rétracte, s’assèche et meurt. Une décrépitude de l’intérieur qui est sensée donner un fruit ou une fleur. Là c’est sec, plus de jus, plus de pulpe, un délabrement de mes ovaires, une traversée du désert ; ma glotte qui refuse de parler, de s’associer, de se sociabiliser. Une rétractation intense, un repli sur soi suite à l’air sec et peu brassé du confinement. Si on devait retrousser mon corps, il serait ridé, ratatiné. Un cuir jauni et tari, un cuir assoiffé.

À la lumière, à mieux observer, en plissant les yeux, et en se concentrant sur le bourgeon, je vois de prime abord un personnage à trois bras levés en l’air qui invite à une danse. Un enthousiasme, un salut de bienvenue. Et, en me tordant le cou, le nez vers la lumière, un détail ignoble ou plein d’espoir ; une tête qui se dédouble, des mains qui se dédoublent, un personnage qui se transforme pour être deux fois plus. Deux fois plus forts, deux fois plus nombreux, deux fois plus vivants. Et oui, en regardant avec une extrême attention, ce n’est pas par deux mais par quatre que le bidule vert se découpe ; se coupe en deux, en quatre. Se plier en quatre, c’est cela, à force de faire mon maximum. Je puise dans mon intérieur, c’est invisible, inaudible, impalpable mais pourtant la conséquence est bien là. Se démener, se dédoubler, serait-ce vivre et produire ? Mon corps va-t-il finir par craquer, se dédoubler et me rendre deux fois plus fortes, quatre fois plus moi ? Une oreille qui entend encore mieux, des yeux omniscients, un instinct indéfectible, une abnégation naturelle, une fortification intérieure, se croire réduit à néant pour finalement exploser en surpuissance, en maturité, en compétences jusqu’alors inexistantes ou inconnues.

C’est bien là, l’énigme de la vie, un bidule vert qui s’ouvre et déroulent ses feuilles qui s’étaient mises en boule. Le tondu et ses trois clampins, deviennent de larges feuilles veinées qui se gorgent de soleil et exposent leur vert tendre à la lumière ardente et loin de prendre des coups ; le soleil les choie et les inonde d’un raye bénéfique et fortifiant. Et si je me mettais au soleil, si je m’exposais au monde, je deviendrais, je grandirais, je déploierai mes membres en des extensions invisibles mais puissantes, qui terrasseraient tout ce qui me fait peur. Gorgée de lumière, je serai l’astre attractif qui irradie et se reflète dans ce qu’il y a de plus terne autour.

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