samedi 23 mars 2019

Alagna au poil doux


Toutou Alagna a une bonne tête joviale, le poil doux, l’expression pétillante, il dévale les marches de l’immeuble au rythme de l’air du « Dernier jour d’un condamné ». Mélomane, un simple morceau de musique et il fugue sans prélude. Il déboule sur l’opéra. Des airs de Puccini s’envolent par les fenêtres. Quelle damnation ! Toutou Alagna bifurque et prend la tangente vers le Vieux-Port, excédé par sa malédiction de fuyard à chaque octave ovationnante. Quelle journée de chien. Le marteau piqueur qui creuse la chaussée parvient à peine à masquer les slams du groupe d’ados qui se lancent des battles, une joute musicale qui le fait bouillir, il pétarade et oblique vers la rue de la République, quand Faust apparaît, une lumière divine éclaire tous les monuments et résonne alors en toutou l’Air des Bijoux. Il aboie, se décoiffe, ébouriffant son poil à force de tours de cou, de coups de bassin en l’air et de coups de pied dans le derrière d’un passant qui ne supporte pas les chiens qui aboient. Toutou, comme un boulet de canon, accompagné par une rafale de vent, atterrit Place Sadi Carnot, arrêté par deux tramways qui se croisent. Le coup de sonnerie d’un tram sonne comme le glas, sa mort est certaine, comment résister à ces tentations mélodieuses, à ces chants des sirènes, à ces appels d’Ulysse. Ronchon, grognant dans ses moustaches, il arrive à la Joliette et n’en pouvant plus, s’engouffre dans un immeuble, s’assoit à un bureau et hurle le chant de la reddition de Vercingétorix. C’est alors qu’arrive un gaulois à la moustache jaune, petit gringalet, qui vient le récupérer et, à base d’un breuvage spécial, le soigne de son idée fixe.


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