Toutou Alagna a une bonne tête joviale, le poil doux, l’expression
pétillante, il dévale les marches de l’immeuble au rythme de l’air du
« Dernier jour d’un condamné ». Mélomane, un simple morceau de
musique et il fugue sans prélude. Il déboule sur l’opéra. Des airs de
Puccini s’envolent par les fenêtres. Quelle damnation ! Toutou Alagna bifurque
et prend la tangente vers le Vieux-Port, excédé par sa malédiction de fuyard à
chaque octave ovationnante. Quelle journée de chien. Le marteau piqueur qui creuse
la chaussée parvient à peine à masquer les slams du groupe d’ados qui se
lancent des battles, une joute musicale qui le fait bouillir, il pétarade et
oblique vers la rue de la République, quand Faust apparaît, une lumière divine
éclaire tous les monuments et résonne alors en toutou l’Air des Bijoux. Il
aboie, se décoiffe, ébouriffant son poil à force de tours de cou, de coups de
bassin en l’air et de coups de pied dans le derrière d’un passant qui ne
supporte pas les chiens qui aboient. Toutou, comme un boulet de canon,
accompagné par une rafale de vent, atterrit Place Sadi Carnot, arrêté par
deux tramways qui se croisent. Le coup de sonnerie d’un tram sonne comme le
glas, sa mort est certaine, comment résister à ces tentations mélodieuses, à
ces chants des sirènes, à ces appels d’Ulysse. Ronchon, grognant dans ses
moustaches, il arrive à la Joliette et n’en pouvant plus, s’engouffre dans un
immeuble, s’assoit à un bureau et hurle le chant de la reddition de
Vercingétorix. C’est alors qu’arrive un gaulois à la moustache jaune, petit
gringalet, qui vient le récupérer et, à base d’un breuvage spécial, le soigne de
son idée fixe.
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