Mes jambes me portent, encaissant le poids du corps sous mes pas.
Trois marches d’abord, des graviers qui ripent sous les chaussures, une dizaine
de marches, un portail qui réclame un peu d’huile, une longue succession de
marches, gravies l’une après l’autre, d’une lenteur de tortue, un souffle
saccadé, des narines qui emmagasinent de l’air à grand volume, la bouche qui
aide à en prendre plus. L’ascension de la route, décorée par des graffitis
colorés, la traversée des clous à moitié effacés. Un banc en bois marron,
griffé, tatoué, où le corps se pose, lourd, il fait craquer la planche. Bruit
étouffé d’un gros moteur de poids-lourd. Freins qui pètent, portes en verre qui
cognent. Bip au passage du ticket. Le siège jaune poussin vibre au-dessus des
roues, le plancher prend de la vitesse, il roule à vive allure, le paysage
défile, un coup de fil, une voix à l’accent marqué du Sud interrompt le ronron
du bus. « Dis-moi le à moi », « comme je me languis ». Des klaxons, une
ouverture de portes prématurée. Tout le monde descend. Des jambes reprennent
leur marche régulière sur un sol plat ; le soleil chauffe les épaules, le vent
s’engouffre dans le manteau. Des portes en verre qui coulissent, un bip à la
commande de l’ascenseur. Plancher qui monte. Une sonnerie, un bip, un
claquement de bise, des pas feutrés sur la moquette, les jambes qui se plient
sous le bureau et y resteront.
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