lundi 22 mars 2021

Mutique Observation d'Armelle

Il est là seul, cet homme, ce vieux fou entièrement nu, sur ce rocher du bout du monde, ce caillou situé non loin de Lampedusa rythmée par les arrivées massives de migrants éreintés par la vie, déchirés dans leurs espoirs, cassés dans leurs illusions déçues. Il a pris possession de cette petite île il y a 10 ans. Il vit là reclus à regarder les mouettes virevolter au-dessus de sa tête, tanné par le soleil et heureux de contempler la mer, le soleil et l’éternel recommencement des vagues. Il a tout quitté pour oublier. La violence, la peine, la souffrance, le déchirement… Pour s’installer ici, seul. La mémoire lui fait défaut. Il est devenu étrangement hermétique à la cruauté du monde, comme s’il voulait s’en protéger. Voir au bord de l’eau le cadavre de cet homme qui gît ne l’emplit ni de dégoût, ni d’écœurement, encore moins de révolte et d’horreur. Il regarde cliniquement le macchabée se faire déchiqueter par la mouette. Et trouve une certaine beauté dans ce spectacle. La mer apporte son lot de cadeaux, se dit-il. La mer nourricière… L’homme et l’oiseau récupèrent… Tous ces cruels naufrages sont des aubaines pour ce robinson des temps modernes : des bouts de zodiacs éventrés, des vêtements déchiquetés, des gilets de sauvetage perdus sont quelques-uns des « trésors » que la mer lui offre pour orner sa cabane sur la plage.

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