vendredi 24 mars 2023

Laurence à la façon Süskind

​Alors, laissa-t-elle vagabonder son imagination devant les étals du marché, une grappe de raisin gorgée de jus à la peau si fine et si tendue que l'on pourrait croire que le contenu juteux exploserait au moindre attouchement. Le raisin blanc et le transparent de son grain offrant l’avantage d'en deviner le noyau. 

Une orange un peu flétrie, qui ajoute aux capitons, un aspect ridé de fesses de grand-mère, à l’exception faite de sa couleur encore vive mais qui pourrait être celle d'une peau tannée par un soleil brûlant. Les bacs d'olives provençales laissent échapper une odeur amère et épicée à laquelle se rajoute l'odeur musquée des bâtons de cannelle qui tapisse ses narines d'une poudre apaisante. Elle sourit devant la caisse de figues séchées, petites bourses brunes rabougris et essorées et surmenée suite à une activité intense. Elle reconnaît dans chacun des fruits, légumes et condiments, un détail de son quotidien intime, elle transformait la diversité des étalages dans une réalité propre qui était la sienne. Des pommes à la tige pointant vers le ciel, des poires aux embouts gonflés et tendres, des cerises, toujours par deux, rutilantes et affriolantes. Des bananes souvent charnues, mais quelques-unes ratatinées, ayant perdu de leur vigueur, de leur couleur ou juste à une peau de banane sèche et à l'abandon, bien connues d’elle, de celle dont la vie peine à être ravivée, qui arrive déjà dans une défaite outrageante, sans espoir de courbure glorieuse, même éphémère.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire