mardi 1 décembre 2020

Clope au bec

Ce jour-là, je ne me suis pas reconnu, rouge de honte, vert de dégout, noir de colère, ça m'a donné des ailes, décuplé mes forces, mis à terre. J'aurai voulu attraper un oiseau au vol et migrer avec lui à l’autre bout de la terre. Je sortis donc de la salle de réception et alla m'isoler dans les toilettes du 1er étage, qui sont un peu plus spacieux que les autres. J'avais l'habitude dans ces moments de perte de contrôle de moi-même, quand je sentais le goudron envahir tout mon corps et le figer petit à petit, que la colère était prête à déborder de réaliser un exercice de respiration. J'entrais donc dans les toilettes et m'assis en tailleur. Je tentais un exercice de respiration lente, en inspirant de l'air par une narine et le faisant sortir par la même, en alternance des deux narines. Mais je fus soudain enveloppé par un songe. Je me vis alors enfant lors d'une soirée de nouvel an, mon professeur de physique frappant à notre porte et venant s'installer à notre table. Je fus à l'époque pris d'une telle honte que je courus m'enfermer dans les toilettes. Je me réveillais en sursaut, c'est donc de là que me venait ce réflexe de la méditation- toilettes ? On frappait à la porte...

C’était Marc, mon collègue et ami, qui m’avait vu courir au 1er étage et connaissait bien cette manie de me réfugier dans les toilettes lorsque j’étais contrarié. Je le briefais rapidement sur la réunion qui avait provoqué mon courroux, et il proposa d’aller fumer une cigarette sur le toit. Il me tendit le paquet et j’en ai extrait une blonde, que je bloquais entre mes dents à la manière de Belmondo. Ou plutôt à la manière de Mr Landais, qui avait également cette attitude que j’avais observée tant de fois et finie par adopter. Ce soir de réveillon j’avais été particulièrement frappé par la nonchalance et la classe qui émanaient de sa personne, la clope clouée au bec. Cet homme m’hypnotisait. Il avait le don de provoquer chez moi une sensation de chaleur mêlée à une peur panique. Je souriais au souvenir de l’enfant maladroit et impressionnable que j’étais.

Le toit de l’entreprise offrait une vue imprenable, et parler avec Marc réussit à me détendre. Il me racontait son week-end à la montagne et l’incroyable saut en parachute que des amis lui avaient offert. C’est alors que je reçu un sms de Léa : « Mr Landais est mort, accident de voiture. L’enterrement à lieu dans 3 jours. Tu seras là ? ». Mon sang ne fit qu’un tour. A la vue de mon visage défait, Marc me questionna et je lui partageais la nouvelle. Conscient du choc que cela devait représenter pour moi, il me prit dans ses bras. Effondré sur son buste, j’enviais son expérience du week-end : une inexorable Montée au ciel. 

2 commentaires:

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  2. Bon liant, qui fait le texte uni, Le personnage narrateur, hanté par des moments de peur panique, effectue son ascension au premier étage, puis sur le toit pour chuter sur Marc, dont il mentionne le saut en parachute comme une montée au ciel, qui est aussi une descente, je peux dire...Bravo Orane et Claire !

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