vendredi 4 décembre 2020

J'ai vu ma main

Ce jour-là, je ne me suis pas reconnu, rouge de honte, vert de dégout, noir de colère, ça m'a donné des ailes, décuplé mes forces, mis à terre. J'aurai voulu déplacer cette montagne et l'envoyer au ciel. Mais je ne pouvais pas. Je me résolus alors à m'asseoir sur la petite butée, et à contempler les reliefs de la montagne, en espérant trouver comment l'attraper. Mon esprit s'imagina ma main devenue géante, un peu comme la main dans la famille Addam's que je regardais étant enfant. Mon esprit dessinait le mouvement de rotation de la montagne sur elle-même, comme on s'efforce de remuer une plante dans la terre, lorsqu'on souhaite l'en extraire. Je dévissais la montagne de ma main gigantesque, puis je la retournais, sommet vers le bas. J'inversais par ce geste la cartographie d'un monde bientôt révolu. Je soupesais la montagne, et j'en sentais la densité compacte et rassurante. Face à cette évaluation qui me poussait à l'humilité, j'ai vu ma main...

Oui, j’ai vu ma main, tronquée, envahissante, griffes resserrées sur cette création de Dame Nature, et toujours assise sur la butée, j’ai pleuré en regardant la montagne, splendide, immense, vierge de tout sentiment dégradant, certes terriblement dangereuse, avec ses pics s’élevant haut dans le ciel, parcourus de veines noirâtres, ses résineux desséchés, et j’ai eu honte : la montagne me donnait une leçon d’humilité. Voire, même, elle me conseillait de m’élever, de communier avec elle, au lieu de chercher à me l’approprier, à la dompter...

Au lieu de songer à la tenir renversée dans ma main, une angoisse m’étreignait, car une question prenait toute ma conscience : -qui suis-je pour m’attaquer à souiller, un lieu magnifique, dont le caractère fort, m’a toujours subjuguée ?

Je lui présentais, humblement mes excuses, et cherchais des yeux comment la gravir sans l’abimer, sans attirer son juste courroux. Je devais au contraire, me sentir consciente d’être toute petite, face à son immensité, et sa majesté, et avec précaution, essayer de monter, de m’élever modestement à la force de mes mains, sans outils, car ainsi elle m’aiderait peut-être, à trouver la force d’aller jusqu’au bout du but, que je m’étais fixé. En communiant avec elle, elle me ferait découvrir le chemin pour grimper à ce sommet, qui m’attire tant.

Tout en crapahutant, Je pensais alors, à la résilience, à la transformation, qui s’opérait en moi, pour mieux appréhender ce monde nouveau. Mon envie, mon obsession, de m’élever toujours plus haut, de me dépasser, de repousser mes limites, et par quelque endroit où je me trouve, et par tous les chemins, elle y revient : Enfin, je suis libre.

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