jeudi 17 décembre 2020

Le Prince

Lynda : 43 ans, self made women. Intellectuelle engagée et un peu perchée. Elle travaille dans la culture et a une vie de célibataire endurcie depuis la séparation avec son ancien mari. Fille d'un poète sans le sou et d'une ouvreuse de théâtre, elle a gardé de cette union le gout du verbe et la volonté de ne pas galérer dans la vie.

Bastien : Fils de Lynda, 15 ans. Il est le parfait adolescent nonchalant et rêveur. En dehors des cours, ses activités consistent à geeker, écouter de la musique, trainer avec ses copains. Avant de mourir, son grand père lui a transmis ses perles de sagesse, qui l'ont profondément marquées. Depuis, il fait preuve d'un flegme et d'un optimisme à toute épreuve.

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Un soir, ils partent se promener dans le parc. Etrange : aucun oiseau ne chante ; Etrange : le parc est vide. Etrange : le vent dans les feuilles entonne un sifflement de plus en plus fort. Mère et fils décident de quitter le parc mais se trouvent face à des grilles fermées.

Lynda : Ça alors, les grilles sont fermées. Comment on va réussir à sortir ? Ohlala il faut que ça tombe aujourd'hui, le soir du vernissage à la Tate ! Le sort s'acharne sur moi avec la régularité du tic toc d'une horloge.

Bastien : Ca va m'man, on va trouver une soluce.

Lynda : Il n'y a pas un bruit, c'est vraiment inquiétant... Ils ont dû évacuer le parc mais nous n'avons rien entendu. Quel silence de mort...

Bastien sort son portable et lance "Move for me", le dernier morceau de son rappeur préféré

Lynda : Ha non éteins moi cette horreur !

Bastien : Ca va, ca va, t'énerve pas.

Lynda : Essayons de trouver le gardien pour qu'il nous fasse sortir.

Ils avancent dans le parc éclairé par le portable de Bastien car la nuit tombe

Bastien : Tu sais, le Prince de Sang disait toujours "s’il n'y a pas de solution c'est qu'il n'y a pas de problème".

"Prince de Sang" c'était le surnom que Bastien avait donné à son grand père, à cause de la dignité dont il faisait preuve en tout circonstance, et du sang chaud qui coulait dans ses veines.

Lynda : En ce qui le concerne c'était plutôt "si tu ne trouves pas de solution à ton problème, demande à ta femme elle le fera pour toi".

Bastien : T'es dure avec lui, il était doué en tant que poète mais il avait pas le sens des choses concrètes c'est tout, ça va.

Lynda : J'ai encore beaucoup de choses à t'apprendre, notamment en ce qui concerne les rapports homme/femme et le féminisme. Tu as bien poussé et ton esprit commence à s'ouvrir, mais tu n'es encore qu'un bourgeon.

Bastien : Ca va lâche moi avec tes métaphores débiles !

Lynda : Bon c'est pas le moment de se disputer, il faut vraiment qu'on sorte de ce parc.

Ils continuent de marcher en approchant de la cabane du gardien

Bastien se met à réciter à voix haute

 L’enfant est doux et fragile

 Ça lui vient surement des roses

 Sur lesquelles souvent il pose

Un regard immobile

L’enfant est vif et rapide

Ça lui vient surement du vent

Qui, incessant

Balaie sa terre turpide

L’enfant aime les mots

Ça lui vient surement de son aïeul

Dont il fera bientôt le deuil

 Lynda : Tu apprends de la poésie toi ?

Bastien : Ben oui ça va, c'est celui que le Prince a écrit pour moi quand il était à l'hôpital.

Lynda, abasourdie : Ah bon ?

Bastien : Ouais, c'est classe comme dédicace !

Lynda : J'ignorais qu'il t'avait écrit des vers, encore plus que tu les conservais et les apprenais par cœur !

Bastien : Ca va, commence pas à monter sur tes grands chevaux. Je l'aimais bien pépé, j'y pense souvent. Mais comme vous étiez un peu fâchés j'osais pas t'en parler.

Le gardien les aperçoit

Gardien : Qu'est-ce que vous faites là, vous ne m'avez pas entendu évacuer le parc ?

Lynda : Monsieur je suis confuse, je devais être au téléphone et mon fils toujours avec ses écouteurs...

Il leur ouvre la petite porte et leur souhaite une bonne soirée

Lynda : Bon, il est déjà tard pour aller au vernissage. On rentre à la maison et tu me montres les poèmes du Prince ?

Bastien : Ça va 

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